Chapitre 3 - Rewind, replay
Les chansons du chapitre:
Όλα Καλά - Nekfeu
Pur - Poupie
Ciel étoilé - Lujipeka
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Je monte dans le train, direction Lyon. Mon vélo
est démonté, rangé dans sa housse, en plein milieu du couloir du TGV. Note à la
SNCF, faites en sorte que ce soit plus facile de voyager en train avec un vélo.
J’ai transpiré toute l’eau de mon corps et j’ai jamais eu des bras aussi
musclés qu’à devoir porter mes quatre sacoches, mon sac à dos et mon vélo dans
sa housse.
Je me sens tellement triste. J'ai envie de pleurer, de laisser sortir mes émotions. Mais je suis là, assise dans le train, en train de tout donner pour avoir l'air impassible.
J'ai besoin de repartir en vélo. De pédaler toute la journée à nouveau. De m'échapper.
J'ai appris que mon père a partagé mes aventures de voyage avec ma mère. Je me sens trahie. J'avais déjà l'impression de ressentir sa présence, derrière mon épaule. Constamment. Gigantesque, toujours dans l'ombre, à surveiller mes moindres mouvements. L'angoisse qui me gagne parce que je sais qu'elle est là, derrière moi. Je ne me sens pas libre.
J'ai tellement travaillé sur moi-même pendant mon voyage. J'avais réussi à atteindre une certaine notion de paix intérieure, de calme. Même si je n'étais pas au clair avec mes démons, je savais que c'était derrière moi et que je pouvais les adresser dans ma propre temporalité.
Mais là, je n'ai pas le choix. Je dois y faire face. Et je ne suis pas encore assez armée. Je me demande, si ce sera toujours aussi compliqué. Si je réussirai à être plus "normale", un jour.
Trop dur de contenir les larmes. Elles coulent doucement sur mes joues, je regarde les montagnes défiler. L'envie de remonter sur mon vélo me submerge. Je veux expérimenter ces paysages, sentir l'odeur des arbres, vibrer sur les chemins de terre, entendre le chant des oiseaux. Faire sauter ma gourde dans mes mains, comme j'en ai l'habitude. L'eau fraîche qui coule dans ma gorge.
Comme toujours, je me demande. Est-ce que c'est moi qui ai un problème, qui suis trop sensible et trop compliquée ? J'ai du mal à accepter cette partie de moi, cette partie qui est submergée. J'ai appris à la cacher, un peu plus, quand je suis avec des gens. Mais elle est toujours là, très présente, très prenante. Et parfois j'ai juste besoin de silence et de solitude. Parce que je ne veux pas vraiment montrer ce côté de ma sensibilité.
J'ai peur de revoir Marc. Tout a été précipité. Je connais son regard et je ne veux pas le voir. Je sais que j'aurais envie de tout lui raconter. Mauvaise idée.
Revoir Marc. L’angoisse, un peu. Je sais pas trop si je suis prête à ça. Pendant mon voyage, on avait un tout petit peu discuté. Mais ça fait presque dix mois qu’on ne s’est pas vus. J’ai beaucoup changé depuis, et peut-être que lui aussi.
Peut-être qu’il me regardera avec ses yeux. Les mêmes yeux que d’habitude. Son regard qui me perturbe. A chaque fois qu’il me regarde comme ça, j’ai l’impression qu’il en dit plus qu’avec n’importe laquelle de ses phrases.
Mais bon, pas le temps de se faire des films, on verra bien quand on se reverra.
Je passe quelques jours à Lyon avant le tournoi. J’ai emménagé avec Aurélien et un pote d’école. Matelas gonflable sur le sol, duvet. Je ne suis pas encore prête à accepter que j’habite ici. J’ai peur de me poser. Et acheter un matelas, des draps, c’est se poser.
Ça fait quelques mois qu’Aurélien et Julia se voient. Ils ne sont pas vraiment ensemble, mais Aurélien passe au moins deux jours par semaine chez Julia. Je suis contente pour eux, et en même temps un peu déçue. Je pensais qu’en rentrant à Lyon, je pourrais passer un peu plus de temps avec lui.
Aujourd’hui, Aurélien et moi, on part pour le fameux tournoi, volley-ski. J’attendais ce moment avec impatience. Revoir tous mes amis, que je n’avais pas vus depuis mon départ, revoir Marc. J’ai ce sentiment bizarre de paix intérieure qui m’habite. Je n’ai pas vraiment peur de revoir Marc, finalement.
En arrivant, je me sens trop heureuse de revoir tous ces gens qui m’ont tellement manqué. On monte les escaliers, on pose nos affaires dans nos chambres. On toque à la porte d’à côté pour aller chercher…
Marc. Nos regards se croisent. Mais rien de plus.
On sort manger. Julia roule un joint, je fume dessus. Comme d’habitude avec Julia, ses joints sont puissants. Au bout de quelques minutes, c’est le vide dans ma tête. Je me sens bien, je rigole. Je suis complètement défoncée. Marc est là, mais je n’ai pas envie de le voir. Pas envie de lui parler. Alors je reste à distance et je l’évite.
Le lendemain matin, on va skier. En montant dans les œufs, je commence à me sentir mal. Enfermée. Tout le monde est serré, les gens autour de moi parlent fort. Je n’arrive plus à respirer. Regard de détresse vers Aurélien, loin de moi, lui aussi comprimé entre les skis et les skieurs. C’est juste un mauvais moment à passer.
Un mauvais moment. Prisonnière d’une boîte en plastique. Enfermée. Pas de porte de sortie. Pas d’air. Je ne peux pas respirer.
Quand je peux enfin sortir, j’ai du mal à reprendre mon souffle. Tout va trop vite. On skie avec mes potes, mais je n’arrive pas à faire taire les sonnettes d’alarme qui retentissent dans ma tête.
A la fin de la journée, je suis épuisée. J’ai besoin de calme, de me poser. De fumer un joint.
On fait un peu de volley puis on rentre prendre l’apéro. Je croise le regard de Marc, et je la ressens à nouveau. Cette vague de sentiments qui me submerge. Et je me noie un peu plus.
Mais il n’y a rien entre nous, il ne peut rien y avoir, et je le sais. Je sais, je sais que lui ne ressent pas la même chose. Alors je profite de la soirée tant bien que mal, en évitant de trop le regarder, même si mes yeux sont attirés par les siens. Et je remarque que les siens sont aussi un peu attirés par les miens.
Petit à petit, tout le monde va se coucher, et comme l’année dernière, il ne reste que Marc, Thomas, moi et deux autres personnes. D’ailleurs, ça fait une demi-heure que Marc discute avec une fille, il prend son Instagram. Je sais pas trop ce qui se passe, je sais pas trop comment je me sens, et il est bientôt 4h du matin. Alors je vais chercher mes affaires pour rentrer.
“Non, attends, je rentre avec toi !”
J’ai l’impression qu’on va revivre les événements de l’année dernière. Je l’attends dehors, seule, devant la porte. Quand il sort, il ne dit rien. Il s’avance vers moi, sans hésitation, et il me prend dans ses bras. Les mêmes câlins qu’il sait si bien faire. Il me serre un peu plus fort. Je me sens bien, mais en même temps, j’ai un peu peur. Parce que je sais très bien qu’il n’y a rien.
Marc, pourquoi tu fais ça… “Pourquoi je fais quoi?” Ça… Tu sais très bien…
Il fait encore semblant de ne pas comprendre. Mais j’aime tellement ses câlins, que je me laisse profiter du moment. Pour les remords, on verra demain matin. Je préfère vivre dans l’instant, ressentir pleinement cette vague de chaleur qui m’envahit.
Tout se passe presque exactement comme l’année dernière. J’ai l’impression d’être revenue dans le passé, à cette période où j’étais aussi un peu perdue. Tous mes doutes s’envolent, et c’est comme si je le rencontrais une deuxième fois.
On est accoudés au mur, face à face. Ma veste est ouverte, sur mon petit crop top qui me va si bien. Mes yeux plongent dans les siens. J’ai tellement envie de l’embrasser. Il baisse doucement le regard sur mon corps, comme s’il goûtait chacune de mes courbes. Puis il me regarde à nouveau, et je lui souris. On sait tous les deux qu’il n’y aura rien, mais on en a tous les deux un peu envie.
Les portes de l’ascenseur s’ouvrent. J’ai peur d’entrer, j’ai peur d’être enfermée. “On peut monter à pied, si tu préfères. Ce sera un peu plus long mais ça ira.” Non, t’inquiètes, je vais y arriver…
Les portes de l’ascenseur se referment. Je commence à avoir un peu de mal à respirer. Marc me prend dans ses bras. Il caresse mes cheveux. Ma voix tremble. Marc, je me sens vraiment safe quand je suis dans tes bras…
“Dis pas ça…”
Les portes de l’ascenseur s’ouvrent. Je sors rapidement et reprends mon souffle. Je me sens mieux, dehors. Il fait moins froid que l’année dernière. Je réajuste mon bonnet sur ma tête. Je traverse des trucs, en ce moment… Et depuis j’ai des moments où c’est un peu difficile, je supporte plus d’être enfermée… Enfin, c’est une longue histoire.
“Tout le monde a des moments difficiles. Tu sais, toutes tes histoires… forcément, ça me touche… ça me touche, mais… pour moi, tout ça, c’est tellement loin…”
Je le regarde, il cherche ses mots. Silence.
“Je sais pas vraiment comment dire ça… Je suis quelqu’un, plein de… de contradictions. Mais je sais que je t’ai blessée, et je sais que j’ai pas vraiment fait les choses correctement… J’aurais aimé que ce soit différent.”
Oui, je me doute bien, mais je ne t’en veux pas. C’est comme ça, c’est la vie, on fait tous des erreurs. Maintenant ça va, et c’est l’important. Je suis apaisée, et on peut laisser le passé derrière nous.
On remonte les escaliers, les mêmes que la dernière fois… “On est vraiment en train de faire un remake, là…” On s’arrête devant sa porte. Il me reprend dans ses bras. On se serre si fort l’un contre l’autre. Et je me sens tellement bien. Je me sens complète.
On entend des pas, proches. On s’éloigne un peu, Thomas arrive dans le couloir. Il nous regarde. Il sourit. On lui parle quelques minutes, puis il va se coucher.
On se regarde à nouveau. J’ai tellement envie de l’embrasser. Il prend ma main dans la sienne, il caresse mes doigts.
“Tu sais, Anaïs, tu… Tu peux me faire des câlins… Tu peux me raconter des trucs, des fois, ça me ferait plaisir… Je veux être là pour les gens qui comptent beaucoup… ou, pour les gens qui ont beaucoup compté, pour moi…”
Nos doigts sont toujours entrelacés, j’avais oublié à quel point j’aimais ses mains. On reste encore quelques minutes, à se regarder dans les yeux. Il me reprend dans ses bras. On devrait aller se coucher…
Je me laisse bercer par sa respiration, je me laisse fondre dans son étreinte. Il met ses mains sur mon cou, et m’embrasse sur la joue.
Un dernier regard. Je passe ma main sur sa veste. Marc… Tu sais, merci… Pour tout. Sans toi, j’aurais jamais grandi aussi vite.
“Mais non, moi j’ai rien fait.”
Je souris, et je pousse la porte de ma chambre.
A peine quatre heures plus tard, mon réveil sonne. Je me lève, encore un peu high de la veille. Aurélien et Julia sont réveillés, je vais m’asseoir dans leur lit. “Oh non… Anaïs, t’as fait quoi encore…”
Je leur raconte rapidement ce que Marc m’a dit. Qu’il m’a prise dans ses bras, et que je sais. Je sais que ce que je ressens pour lui, je ne le ressens pour personne d’autre. Et je sais que lui et moi, ça ne marchera jamais. Parce que je sais qu’il me fait juste souffrir, et que je ne pourrais jamais lui faire confiance, et qu’au fond, c’est juste un player.
Mais je sais aussi que je ne pourrais pas vraiment être avec quelqu’un pour qui je ne ressens pas tout ça. Parce que maintenant que je sais ce que c’est, cette passion que je peux ressentir, à quoi bon avoir une relation avec quelqu’un si ce n’est pas aussi intense? Tout le reste me parait fade, superficiel.
J’avais beaucoup réfléchi, je ne savais pas si je devais parler à Marc des épreuves que je traverse en ce moment. Ça me fait toujours du bien d’extérioriser, et ça reste quelqu’un d’important dans ma vie, alors j’aimerais quand même lui en parler un peu. De mes angoisses et de mes peurs. De ma difficulté à me faire confiance, d’avoir l’impression de devenir un peu folle, d’être dans le flou et l’incertitude. Je lui envoie un message.
Il y a un truc dont j’aimerais te parler.
Je pars pour mes matchs de la journée, plutôt en forme. Malgré le manque de sommeil, je joue vraiment bien. Je suis super fière de ma progression, je vois que mon niveau physique s’est vraiment amélioré après mon voyage. Et mon niveau technique aussi, parce que j’ai pas mal joué récemment et que j’ose m’affirmer un peu plus.
Je remarque aussi que j’ai de plus en plus de rizz. C’est peut-être juste dans ma tête, mais je sens que j’ai des feelings avec plusieurs personnes ce week-end. Un mec de mon équipe m’envoie un message dans l’après-midi, “It would be fun to keep talking :)”.
Je pense que ma force, c’est mon sourire, et mes yeux. Mes yeux dont Leo a tant parlé. Ou plutôt, mon regard. Parce que je suis très sensible, et que ça se voit tout de suite. J’essaie de rayonner de bonheur, mais c’est pas toujours simple.
Je rentre à l’appartement et on commence l’apéro. Je fume, je bois un peu. Pas trop, parce que j’ai envie de pouvoir articuler mes pensées quand je raconterai mon histoire à Marc. Il s’approche de moi. “Tu voulais me dire quoi?” C’est une longue histoire, il y en a pour un moment… Et j’ai pas vraiment envie d’en parler avec tout le monde autour. “Ah, on discute après alors.”
On part manger. Je m'assois en face de lui. On échange quelques regards. Au bout d’un moment, il me propose de nous éloigner pour parler. Je prends ma veste, et on se met à l’écart.
Je sais pas trop comment commencer cette histoire, mais… je sais pas si tu te souviens, mais j’ai pas vraiment de souvenirs de mon enfance?
“Oui, je m’en rappelle.”
Alors je lui explique la dissociation, le flashback. Que j’ai une théorie sur ce qui s’est passé, mais…
“Non mais je t’arrête tout de suite. Je suis pas la bonne personne à qui parler de ça. Va voir la police plutôt, ou une psy.”
Et tout s’effondre à l’intérieur de moi. J’essaie de lui demander de me laisser terminer mon histoire.
“Non, parles-en à quelqu’un d’autre. Les trucs comme ça, c’est des trucs que tu racontes à des amis très proches. Moi je peux pas t’aider. Je sais pas quoi dire.”
J’attends rien de toi, Marc, mais ça m’aide beaucoup d’en parler, d’extérioriser. J’aimerais juste que tu m’écoutes.
Et il se met à me faire la morale. Je l’entends parler mais je n’écoute pas vraiment. “T’es d’accord, non?” Je ne réponds pas. J’ai plein de choses à dire, mais je sais qu’il va me couper la parole, et me dire que je ne connais rien.
Je sors dehors, il me rattrape. Il continue à parler. J'acquiesce à tout ce qu’il dit. J’ai l’impression d’être une enfant qui se fait gronder. “Allez, viens, on rentre.” Non, je vais rester un peu dehors. “Allez, rentre. Il fait froid.” Ok, je passe aux toilettes et je te rejoins.
Je passe aux toilettes et je ressors. Je vais m'asseoir un peu plus loin, seule dans les ruines de mes sentiments. J’ai l’impression que la personne à qui je parlais la veille, la personne qui voulait que je lui raconte ce que je vis, la personne qui voulait me prendre dans ses bras, c’était pas vraiment la personne à qui je viens de parler. Cette personne, qui ne m’a même pas laissé terminer mon histoire. Cette personne, qui m’a volé mon vécu en faisant des suppositions sur la fin de l’histoire. Alors que même moi, je ne connais pas vraiment la fin de l’histoire.
Aurélien me rejoint dehors. “Tu veux parler?” Je m’effondre. Entre les sanglots, je lui raconte. C’était prévisible. C’est pas comme s’il allait changer en quelques mois. Mais ce qui me fout le plus la haine, c’est que je ressens tellement de choses pour lui. Qu’à chaque fois que je croise son regard, j’ai l’impression d’avoir trouvé toutes les réponses que je cherchais. Et d’un autre côté, je le déteste tellement.
“Tu le sais… qu’il faut plus rien attendre de lui.” Ouais, je sais. Je sais. Et pourtant, je peux pas contrôler tous ces sentiments, tout est tellement fort, tellement intense.
Je sèche mes larmes, et on retourne à l’intérieur. Je roule un autre joint. J’ai besoin de me vider la tête, un peu.
On va tous danser, mais la fatigue de la veille nous rattrape rapidement. Marc va se coucher assez tôt. Je lui envoie un message.
Je comprends juste pas vraiment pourquoi hier tu me dis que tu serais content si je te racontais un peu ma vie et là tu me laisses même pas parler de mon histoire
Je voulais juste te parler de ça parce que c'est super important dans ma vie en ce moment, désolée si c'était trop pour toi, mais en même temps je comprends vraiment pas
Bref c'est pas grave, on oublie ce soir.
Il me répond, “on en reparle demain”. Mais j’ai plus envie de lui parler. J’ai plus envie de le voir. Parce que c’est trop dur, trop frustrant. Parce qu’il ne me laisse jamais parler, il ne m’écoute pas vraiment.
Thomas et Lola rentrent, alors je rentre me coucher avec eux. Quand on arrive dans la chambre, Thomas remarque que je suis très fermée. “Ça va?”
J’éclate en sanglots à nouveau. Je lui raconte, sans rentrer dans les détails, ma soirée.
“Je sais que Marc traverse une période un peu difficile en ce moment… Il m’en a pas trop parlé, mais… Ouais. Et il sait qu’il va trouver du réconfort avec toi, alors… Tu sais, on est un peu pareils, lui et moi…”
Oui, je sais. Je le connais, maintenant. “Perds pas ton temps et ton énergie là-dedans… Surtout quand il n’y a rien en retour…”
Oui, je sais. Je sais. Mais c’est pas facile.
On se fait un dernier câlin, et je vais me coucher. Je ne dors pas très bien, cette nuit. Tout se mélange, tout est confus.
Le lendemain, pendant un match, j’entends la voix de Marc. Je fais une super action, je marque le point, mais ça ne va pas. L’adrénaline a pris le dessus. Je ne peux plus respirer, tout s’accélère autour de moi, j’ai juste envie de m’enfuir et de pleurer.
Mais les gens de mon équipe s’agglutinent autour de moi pour me féliciter. Je lâche un petit, “merci”, et je m’éloigne rapidement. Il faut que je sois seule.
Toutes les émotions de ces deux derniers jours ressortent. Et je pleure, et je n’arrive plus à respirer. Je me sens bloquée. J’ai peur.
Encore une crise de panique. Ça fait trois fois, ce week-end. Et cette fois, c’était pour rien. Enfin, juste pour avoir bien joué. Comment je vais faire, si je n’arrive plus à respirer dès que je réussis quelque chose?
Les jours suivants sont mouvementés. Je n’ai rien à faire, alors j’écris beaucoup, mais j’ai l’impression de tourner comme un lion en cage dans cette coloc. J’ai du mal à penser à autre chose qu’à tout le mal que Marc m’a fait.
Pour me changer les idées, je sors faire un tour à vélo. Après tout, je faisais du vélo quasiment tous les jours, et là je ne suis pas sortie de la semaine. Ça m’aidera à me remettre les idées en place.
En rentrant ce soir-là, je pense à tout ce que j’aimerais dire à Marc.
J’ai qu’une seule envie, Marc, c’est que tu me détestes. Comme ça, ce serait plus facile. Plus facile de lâcher prise. Mais tu reviens toujours. Et il y a toutes ces choses, chez toi, que je déteste aussi. Tu crois me connaître mais ça fait presque un an que je ne t’ai pas vraiment parlé, et tu t’adresses à cette image que tu as de moi. Mais tu ne sais pas qui je suis, qui je suis maintenant, parce que j’ai tellement évolué.
Maintenant, j’ai pleinement conscience de qui je suis et j’ai l’impression de rayonner. Je brille comme un putain de soleil, mais toi t’arrives, et t’es cette tempête qui vient couvrir le ciel.
Si tu voulais vraiment que je sois heureuse, alors tu me laisserais m’exprimer, tu me laisserais m’épanouir et répandre mes bonnes vibes au lieu d’apporter la pluie. Tu projettes tellement de choses sur moi, alors que le vrai problème c’est toi.
Tu te rends même pas compte que tout ce que tu fais c’est tellement égoïste.
Je peux pas ignorer cette force qui m’attire vers toi, ce truc dans tes yeux qui me rend folle. Mais c’est à toi de gérer tes problèmes, tout seul comme un grand. C’est à toi d’apprendre à parler de tes émotions, à être un peu vulnérable. Je veux plus jamais, jamais que tu me prennes dans tes bras.
Mais bien sûr, ça c’est pour moi-même. Je ne lui dirai jamais. Je ne peux pas vraiment.
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