Chapitre 8 - Plongeon
Partie I - Tête hors de l'eau, je reprends mon souffle
Les chansons du chapitre:
Sorry for being so sexy - Anetha
Anxiété - ÅMRTÜM
la cause de mes pleurs - Yung Aeon, Le Wanski
retour à la sélection du chapitre
Je dois passer chez mes parents. Mon papa m’avait prêté du matériel pour ma fête d’anniversaire donc je vais lui rendre. Mais chez mes parents, il y a ma mère. Pendant le trajet, j’ai de plus en plus mal au ventre. J’ai peur de la voir. Ça fait plus d’un an et demi que je ne lui ai pas adressé la parole. Mais tout ira bien, j’ai juste trois sacs à poser devant la porte. Tout ira bien.
J’arrive devant la maison. Personne. Je commence à décharger ma voiture et j’envoie un message à mon papa pour lui dire que je suis arrivée. Il descend, ouvre la porte. Tous les sacs sont dans la rue, maintenant.
Et là, je vois les jambes de ma mère. Elle descend les escaliers. J’ai peur. J’ai du mal à respirer. Je ne vois même pas son visage, mais je fais demi-tour et je saute dans ma voiture. Je n’arrive pas à respirer. Je dois aller chez Aurélien après. Je démarre ma voiture.
Tout va trop vite. Je ne sais même plus comment passer la marche arrière, alors que j’ai une boîte automatique. Je bouge le levier de vitesse, j’enfonce l’accélérateur. Mon père arrive à la fenêtre pour me dire au revoir. Mais je ne peux plus respirer, alors j’accélère encore plus et je m’en vais.
Il pleut. Je pleure. J’essaie de reprendre mes esprits. Cette sensation de danger m’écrase. Il fait nuit, je me perds dans les rues de Lyon. Je sens mon sang qui afflue dans mes mains, mes jambes. Ma tête qui brûle. Le monde qui s’accélère autour de moi. J’écoute le moindre bruit, mes yeux se focalisent sur chaque mouvement. J’arrive enfin chez Aurélien. Je sèche mes larmes, je me dis que je suis en sécurité maintenant.
On sort en boîte, je reçois un message de Kai. Il vient dans la même boîte que moi ce soir. Quand je le vois, je le prends dans mes bras. Je me sens bien. Rassurée.
Le mois de décembre passe, les jours se succèdent. Ma routine est bien en place. Kai, travail, volley. Et écrire. Ecrire pour me reconnecter à moi-même, pour me retrouver.
Pour le Nouvel an, on va à Bruxelles avec Aurélien. Qui dit Belgique dit bière. On boit, beaucoup, beaucoup. J’ai pas de weed avec moi, ça me fera une semaine sans THC. Mais avec beaucoup d’alcool, du coup.
Tellement d’alcool que je vois que Marc a liké une story d’Aurélien où j'apparais.
Tu t’es pris pour qui à liker les story d’Aurélien???
Et merde. J’ai trop bu, j’ai plus de limites. On commence à discuter, s’envoyer quelques messages. Mais j’arrête rapidement.
Le lendemain matin, j’allume mon téléphone et je vois les messages de la veille. Mon esprit est plus clair, maintenant. Et je regrette, putain, je regrette.
Le
jour suivant, on va dans un bar où, d’après Aurélien, “on peut danser sur les
tables”. Une pinte, puis deux, puis trois pintes de triple, et je perds encore
le contrôle. Il y a un mec qui est plutôt mon type, qui danse sur une table. Je
laisse mon regard traîner sur lui quelques secondes.
Il me fait un clin d'œil. Je souris, je dis à Aurélien que c’est mon moment, et je vais danser avec lui. Il a l’air un peu jeune, quand même. On s’embrasse, mais je lui demande son âge. “J’ai 21 ans.” Ah ouais, c’est un peu jeune, quand même. Je jette l’éponge et je retourne finir mon verre avec Aurélien.
Entretemps, Aurélien s’est fait un nouvel ami. J’intègre la discussion. “D’ailleurs, t’en penses quoi de mon pote? Il est mignon non?” Ouais, ça va, il est pas mal. De fil en aiguille, je me retrouve à embrasser son pote. Les détails sont un peu flous.
Mais voilà que le premier mec de la soirée a vu la scène, et il est jaloux. Il vient entre nous, il commence à s’embrouiller avec le deuxième gars. En rétrospective c’est marrant, sauf que le premier était semi-pro de muay-thaï et heureusement que ce n’est pas allé plus loin. Sur le coup je ne faisais pas trop la fière.
Leurs amis s’en sont mêlés. “Mais cette meuf a embrassé mon pote!” “Quoi? Mais elle a embrassé MON pote!” Et Aurélien s’est mis de mauvaise humeur. Forcément, on va passer des vacances ensemble mais au lieu de profiter de nos moments tous les deux, je suis en train d’essayer d’éviter un combat dans un bar où tout le monde danse sur les tables parce que j’ai manqué de self control. C’est décidé, les mecs en soirée c’est terminé.
Le lendemain, Owen arrive et on se prépare pour un festival. Le plan ; techno-taz. En entrant sur le festival, on commence à chercher quelqu’un qui pourrait nous vendre des taz. On demande à droite, à gauche. Owen s'éclipse et revient avec trois pilules.
Je danse avec Owen et Aurélien toute la soirée. Je me sens super bien, ma perche est trop agréable.
Réveil difficile. Je me sens encore high, j’ai mal partout. Je sens mes muscles qui se contractent. Owen aussi est fatigué, il nous rejoindra plus tard. Quand on rentre sur le festival avec Aurélien, la vigile à l’entrée confisque mon snus. “C’est interdit ça.” Pardon?!
Je me retrouve, sobre, sans snus, sans nicotine, sans drogue, dans le festival. Un nouveau moyen d’apprécier la musique, mais j’ai hâte qu’Owen nous rejoigne. Aurélien veut voir un concert de techno, moi je veux aller voir Lorenzo pendant trente minutes. D’ailleurs, est-ce que je peux me dire féministe si j’adore écouter Lorenzo? On se sépare.
Quand le concert se termine, j’envoie un message à Aurélien; T’es où? J’arrive. Sauf qu’il ne répond pas. Et Owen arrive dans plus d’une heure. Alors je danse, seule, et je regarde s’il n’y a pas des gens qui vendent des taz autour de moi.
Je vois un mec allumer une cigarette. Je la regarde avec envie… J’aurai bien pris un snus, là, maintenant. Je continue à danser, pour oublier.
Je sens une main qui me tapote l’épaule. Le mec de tout à l’heure me tend sa clope, à moitié terminée. “Tu veux fumer?” Oh… ouais, merci. Je fume. C’est trop agréable. “Tu t’appelles comment?” Anaïs, et toi? “Luca”.
Luca. Je le regarde un peu mieux. Il me sourit. C’est le plus beau sourire que j’ai jamais vu. Luca, tu aurais pas des taz par hasard?
“J’ai mon pote qui a 1g de D! Faut juste que je le retrouve. T’es seule?” Euh, là ouais, j’ai un pote qui arrive dans une heure et j’ai perdu mon meilleur pote dans la foule. “Tu veux rester avec moi pour la soirée?” Euh, ouais. Clairement. Et il me refait ce sourire qui me fait fondre.
Luca et ses potes, c’est les plus gros drogués que j’ai vu de ma vie. Ils enchaînent les taz, les lignes de coke, et des joints tellement chargés qu’une seule taffe me mettrait KO pour les dix prochains jours.
Moi, je prends juste deux paras, j’ai pas trop envie de mélanger et j’ai surtout pas envie de commencer la coke. Je me connais, je sais que je deviendrai addict en une seconde. Quand la soirée se termine, j’aimerais bien rentrer dormir avec Luca. Mais il est 6h passées, et il va en after. Aurélien, que j’ai enfin retrouvé, me gronde. “Non, Anaïs, pas d’after, on va dormir maintenant.” Dommage, l’after c’était de l’acid, et on adore l’acid.
Avant de partir, je prends l’Instagram de Luca. Quand je me réveille, le lendemain, mon téléphone sonne. “On vient de quitter l’after!” Je souris. Il m’avait dit qu’il venait de Bordeaux, ça fait super loin. Mais s'il continue à m’envoyer des messages, je peux peut-être espérer un week-end improvisé à l’autre bout de la France.
Et il était tellement, tellement beau. J’ai des papillons dans le ventre. On discute un peu par message. Je rentre à Genève, je suis de bonne humeur. Trois jours plus tard, je lui prépare un petit message comme j’en ai le secret.
Coucou, j’ai passé une super soirée dimanche. C’est dommage qu’on ait pas passé un peu plus de temps ensemble, j’aurai bien aimé apprendre à te connaître un peu plus.
Mais bon, je crois au destin, dans le sens où la vie te donne des opportunités et on décide de les saisir ou pas. Donc si nos étoiles s’alignent peut-être que nos chemins pourront se recroiser!
En tout cas ton sourire est resté gravé dans ma tête…
Une heure, puis deux, puis trois, et pas de réponse. Je clique sur son profil et je me rends compte qu’il m’a supprimée de ses followers. Je suis un peu vexée, un peu déçue. Mais il était peut-être out of my league.
Je me remets quand même assez vite de ce vent intersidéral. J’ai peur de rien, en fait, je crois.
retour à la sélection du chapitre