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Chapitre 7 - Pause / Interlude


Les chansons du chapitre:

j’revois ton visage - Yung Aeon, Sköne &​ Vortek’s


club déprime - Prune.


secret base 10 years later - Kayano Ai, Tomatsu Haruka & Hayami Saori



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Pause, au début du chapitre en tout cas. On est le 6 décembre 2023 et c’est la première fois que j’écris en temps réel, real time, mode écriture automatique. D’habitude quand je veux écrire, je fume un petit joint, et d’un coup l’inspiration arrive et les mots fusent sur mon clavier.

Bon, drogue oblige, je fais plein de fautes d’orthographe et j’ai besoin de plusieurs relectures pour en faire quelque chose de potable. Mais ça me fait une base sans avoir besoin de trop puiser dans mes ressources.

Alors que là, mes ressources sont à sec, épuisées, on croirait la Terre après le passage de Jeff Bezos. Bon, au moins il me reste une pointe d’humour. Le chaos. Ce dernier mois c’était le chaos total. C’est l’heure du beReal.

Cet interlude, c’est un format différent. Quand je regarde tous ces chapitres qui se succèdent, j’ai l’impression de courir à la recherche du bonheur depuis si longtemps sans jamais avoir repris mon souffle. Et j’ai attrapé tellement de crampes que je me retrouve à me tortiller par terre comme un petit ver.

Je crois c’est le moment où je me rends compte qu’à force de vouloir voler trop haut j’ai cramé mes ailes. Nouveau style d’écriture, là, un peu désabusé. J’avais compris depuis longtemps que j’étais pas l’héroïne de cette histoire mais plutôt la méchante, parce que toutes mes décisions je les prends pour asseoir ma liberté et pas pour mon propre bien ni celui des autres. Le free spirit c’est peut-être juste une justification pour faire n’importe quoi.

Parce que je ne sais pas ce que c’est, agir pour mon bien. Je préfère l’autodestruction. D’où toute la drogue. Est-ce que c’est pour ça, d’ailleurs, que j’ai l’impression d’être le diable en personne? Ça fait quatre jours depuis ma prise de D. Pourtant j’ai déjà ressenti cette tristesse profonde et l’envie de rien faire, mais j’avais l’impression que c’était passé. Je pète les plombs un peu. En fait, j’ai juste envie de partir. Maintenant, tout de suite. Au bout du monde, là où personne ne me connaît. Disparaître un moment. Et à l’inverse j’ai cette peur de perdre de vue mes amis et Kai quand je partirai, la deadline de mon départ se rapproche dangereusement vite et je perds pied.

Est-ce que tout le monde avait raison de s’inquiéter pour moi? Marc, Marc. Il m’a toujours dit de faire attention, que lui, il sait, parce qu’il est passé par là aussi. Est-ce que c’est de ça qu’il parlait? Mais c’est quoi, ça?

En fait, on est des mois après la fin de notre histoire, et je crois que j’ai encore des sentiments pour lui. Quand je pense à lui, et à notre rencontre, notre premier câlin, c’est pas une vague de chaleur qui remonte dans mon corps mais un tsunami.

 

Et souvent je me sens vide, j’aimerais sourire à la vie.

 

Et je revois son visage.

C’est probablement le moment pour moi de remettre ma vie en perspective. C’est compliqué d’écrire ce passage, parce que je ne sais pas ce dont sera fait demain. Je cherche toujours à prendre du recul, à respirer un peu, mais finalement je rechute toujours plus bas. Et je finis par donner raison à tous ceux qui sont inquiets pour moi.

Je ne sais pas me faire confiance. J’ai toujours besoin de faire valider mes pensées, avant par Gabriel, puis par Julia ou Aurélien. Alors qu’au fond de moi je connais toujours la réponse. Est-ce que c’est une étape que j’arriverai à passer, avec les années? Finalement, 25 ans c’est jeune et je passe mon temps à chercher des réponses alors que je devrais juste profiter du voyage.

C’est ce que j’avais bien compris, quand j’avais fait ce premier voyage à vélo. L’important c’est pas de trouver des réponses, c’est de me poser des questions. Et de les observer sans forcément chercher à tout prix à les résoudre et les enterrer.

Une vieille amie pointe le bout de son nez ; la dépression. C’est la saison.

Quand j’étais étudiante, j’ai vécu une période de dépression. C’est pour ça que je peux l’entendre arriver avec ses gros sabots, avec un peu de chance je vais réussir à l’esquiver. On me demande parfois, ce que c’est, la dépression.

Chacun a une expérience différente, bien sûr. Moi, je me sentais incapable de me lever de mon lit. Je dormais 14h par jour, je séchais la moitié de mes cours, et quand j’y allais je m’asseyais au fond de la classe et je ne parlais à personne. Quand on m’adressait la parole, je me concentrais pour réprimer mon envie de pleurer.

Mais surtout, j’avais cette sensation, constante, de regarder le train de la vie défiler devant mes yeux. J’ai les pieds ancrés dans l’herbe, dangereusement proche du train, les cheveux dans le vent à cause de la vitesse, l’odeur froide du métal dans les narines. Et les wagons qui se suivent, se suivent, se suivent, mais le train qui ne s’arrête jamais. Et je le sens passer à côté de moi, avec tous ces gens, dedans, qui défilent. Et moi, seule, dehors, qui reste sur place. Et moi, seule, je n’ai qu’une envie, c’est que le train fasse un petit écart et m’aplatisse comme une crêpe. Si j’étais pas invitée à monter à bord, à quoi bon attendre de le voir passer?

Ce train, je sais pas trop comment, mais j’ai réussi à remonter dedans. Un petit mix de psychologue et d’antidépresseurs, et quelques mois plus tard j’étais confortablement installée dans l’un des wagons. Mais parfois, une petite secousse, une pierre sur les rails, et je me retrouve les fesses dans l’herbe.

Aujourd’hui, pas d’herbe pour amortir ma chute. Le gravier qui brûle et se colle à ma peau. Anaïs. Réveille-toi.

Les wagons qui se suivent, se suivent, se suivent. Les larmes qui coulent, coulent, coulent. Et une seule question qui me taraude, est-ce que je vais pouvoir remonter dans ce train?

Il ralentit. Aurélien et Julia sont à bord et me tendent la main. Je regarde le sol. J’ai peur de remonter, parce que je risque toujours de tomber à nouveau. Cette fois, c’était du gravier, mais qui sait par quels chemins le train passera? Et si je tombe dans un gouffre sans fond à la prochaine secousse? J’ai peur de remonter, j’ai peur de tomber.

Les mots de Georgio me reviennent soudain.

 

“Avant, je pensais que le contraire d'amour c'était la haine en vrai, mais

Mais, si y a pas d'amour tu peux pas détester

En vrai, son contraire, c'est la peur

Parce que si t'as peur, tu vas nulle part, tu tentes rien

T'es immobilisé, il va rien arriver

C'est le néant, tu vois.”

 

Est-ce que je veux vraiment rester là, sur le gravier triste, à regarder le train passer? Il y a quelques mois, quand Marc m’a dit de faire attention à ne pas me blesser et à ne pas blesser les autres, je lui ai répondu que moi, je conduis dans la voiture de la vie sans ma ceinture de sécurité, pour tout ressentir plus intensément. Parce que la vie, c’est des hauts et des bas. Sans bas, pas de haut. Je dois puiser à nouveau dans cette énergie.

Je prends les mains d’Aurélien et de Julia dans les miennes, et le train redémarre doucement. Et si je dois tomber à nouveau, j’espère qu’ils m’aideront à remonter.



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