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Chapitre 2 - Free spirit


Les chansons du chapitre:

 Terminal 2 - Georgio, Adé & Lithium


 Mega Down - Aloïse Sauvage


 Esprit libre - Georgio



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Marc, c’est fini. Terminé. Je retrouve Lola, en centre-ville. Vous êtes sortis hier soir, du coup? “Oui, c’était cool ! Et toi, tu t’es reposée?” Lola, faut que je t’avoue un truc.

Et je lui raconte tout, depuis le début. Je me sens soulagée de dire enfin la vérité. Je n’en parlerai pas à tout le monde, parce que je veux respecter la demande de Marc de ne pas en parler, mais je veux au moins que mes ami.e.s les plus proches soient au courant.

Lola, elle est incroyable. Elle m’écoute parler, mais elle ne me juge pas, elle accepte juste ce que je dis et me soutiens.

Lola, elle voit Thomas en ce moment. Alors je lui demande comment ça se passe. “Très bien, très bien… Mais je suis un peu déçue, je voulais partir une semaine à vélo avec lui cet été, mais comme on fait déjà des vacances à la mer ensemble juste après, il trouvait que ça faisait trop…” Ah, mais c’est une trop bonne idée ! Tu veux qu’on parte toutes les deux ? C’était quoi le plan ? “Ah oui, trop cool! Je voulais aller jusqu’à Marseille en vélo”. Je rigole, probablement une blague du destin. Et bien dans ce cas, allons à Marseille en vélo. On note les dates, et je pose mes congés en arrivant au travail le lundi matin. Une nouvelle aventure qui commence!

Je me sens quand même un peu triste, mais c’est comme ça. Maintenant que je n’ai plus cette personne qui occupe mes pensées, je dois en profiter pour me concentrer sur moi-même. Je vais me promener presque tous les soirs, je continue à lire des livres, à apprendre. Au travail, la situation n'est pas au beau fixe, j’ai un peu envie de démissionner. Mais j’adore ce que je fais, et mon chef me promets que ça va aller mieux dans quelques semaines. Dès que ce projet sera bouclé, tout ira bien. Et la prochaine fois, on fera les choses différemment pour ne pas avoir à faire des horaires comme le mois dernier.

Ça fait quelques jours que je n’ai pas parlé à Marc, je pense beaucoup à lui pendant mes balades du soir. Alors je décide de lui écrire une lettre.

Hello Marc,

J’espère que tu vas bien. Je voulais juste t’écrire pour te remercier de cette histoire qu'on a eu.

Tu t’en es peut-être pas rendu compte mais ça m’a vraiment fait du bien. J’étais super perdue dans ma vie, et j’ai toujours pas plus de réponses mais le fait d’avoir vécu ça, ça m’a fait vraiment prendre du recul sur plein de choses et surtout sur moi-même. J’ai beaucoup pris confiance en moi et je commence à bien apprécier d’être seule alors qu’avant ça m’angoissait beaucoup.

Pour toi ça avait sûrement aucun sens ce qu'on faisait et d’un certain côté c’est vrai qu’on avait aucun but, mais comme on dit c’est pas la destination qui compte c’est le voyage (clairement c’est pas toujours vrai mais c’est comme ça que je préfère voir ce qu’on a eu). Et je te suis super reconnaissante pour ce mini chemin qu’on a fait “ensemble”, c’était très agréable et en plus j’ai pu évoluer en tant que personne et m’épanouir. Et même si ça n’a pas duré longtemps, j'ai quand même ressenti des trucs forts pour toi et ça m’a fait beaucoup de bien. Tout ça pour dire que je n’en garde que du positif et des bons moments.

On se revoit bientôt en tant qu’amis platoniques :) Et bien sûr si tu as besoin de quoi que ce soit n’hésite pas, je serai là pour toi.

Merci pour tout. Bisous!

Anaïs

En rentrant de la poste, mon téléphone sonne. Marc. “Salut, ça va?” Je regrette instantanément d’avoir posté ma lettre. Mais bon, contrairement à Instagram, il n’y a pas de bouton “Unsend”, alors je fais comme si de rien n’était. Oui, et toi? On commence à discuter, je lui raconte que je vais aller à Marseille avec Lola cet été. “Ah, trop bien! Vous pourrez dormir chez moi si vous voulez!” Euh, ouais, pourquoi pas, on verra. Bonne nuit.

Ça me fait trop plaisir, de recevoir des messages de Marc. Mais je sais que c’est fini, alors il faut que j’arrive à contenir ces sentiments. Ce week-end, on va à un tournoi de volley. C’est une bonne occasion de me changer les idées, et, qui sait, de rencontrer de nouvelles personnes.

En arrivant sur le tournoi, je vois une fille que j’avais déjà croisée à quelques reprises l’année dernière. Je n’avais jamais remarqué qu’elle était si mignonne. En plus, elle est vraiment gentille et super sympa. Je me tourne vers Jules, et je lui dis que, waouh, Rose c’est vraiment mon type je pense. Tu crois qu’elle aime les filles?

Les étoiles devaient être parfaitement alignées ce jour-là, parce que Jules s’est retrouvé dans la même équipe que Rose. Il me fait un clin d'œil, “T’inquiètes… je suis sur le coup!” Je n’y crois pas trop, mais bon, ça a l’air de lui faire plaisir de jouer le wingman.

Je suis assise dans l’herbe, à regarder mes amis jouer. Des mains se posent sur mes épaules, je tourne la tête. Rose. “Alors, comment ça va? Ça fait longtemps!” On discute un peu, elle est vraiment cool. Mais je suis un peu gênée de lui parler, je ne sais pas trop comment dire, elle m’impressionne un peu.

Le soir, je me sens un peu triste. Marc me manque. Je disparais dans ma tente un moment. Je commence à écrire, dans une note, tout ce que j’aimerais lui dire. Que j’avais passé de supers moments avec lui, que je suis triste que ce soit fini. Que j’ai envie de le voir. Puis je sélectionne tout, et je supprime le texte. Je prends une grande inspiration, et je retourne faire la fête avec mes amis, même si j’ai pas vraiment la tête à ça. Encore une petite bière, ça ne peut qu’aider…

Quand je retourne sur le dancefloor, Rose vient danser avec moi. Je rougis, on danse un peu, puis on s’écarte. Jules s’approche de moi. “Tu as toutes tes chances.” Je me retourne, mais, Jules, tu lui as parlé?! Je suis un peu gênée, mais quand elle revient danser avec moi, je décide de ne pas laisser passer cette occasion.

Je peux t’embrasser?

Je sens le regard de tout mon groupe de potes appuyé sur nous, mais je m’en fiche un peu, je suis dans l’instant. Au bout de quelques minutes, on s’éloigne des enceintes. “On peut discuter un peu?”

Ouais, en fait, moi je suis un peu perdue dans ma vie, je sais pas trop ce que je fais, juste je suis le flow de la vie, tu vois… “Oui, moi c’est pareil, et j’ai vraiment pas le temps d’être dans une relation avec quelqu’un, je fais plein de trucs…” Oui, oui, je vois tout à fait, moi non plus je pense pas vouloir être dans une relation. Par contre, je dois t’avouer que je n’ai jamais vraiment été avec une fille… “Oui, moi non plus…” Ah… On se regarde, un peu gênées... “Tu veux qu’on aille dans notre tente, et qu’on se découvre, qu’on suive nos envies?” Oui.

Moment magique, de beauté, de respect, de bienveillance.

En rentrant du tournoi, je me sens bien, j’ai confiance en moi, je me sens capable de n’importe quoi. Même si Marc me manque un peu.

Le week-end prochain, des amis d’école organisent un festival. J’irai avec Aurélien. Marc aussi, organise un festival dans quelques semaines. Je lui propose d’emprunter du matériel à mes potes pour son festival. Ça me fait aussi une raison de lui parler, tant mieux. On ne coupe pas vraiment le contact, en fait.

Avec mes amis d’école, on boit beaucoup, quand on fait la fête. En me baladant sur le festival, complètement saoule, je croise Raphaël, un mec de mon école que je connais vaguement. On ne s’est parlé qu’une seule fois en cinq ans, c’est quand je l’avais aidé à ramener son coloc chez lui parce qu’il ne tenait plus debout. Ça doit faire quelques années, déjà. On a bien changé.

Je m’assois à côté de lui et commence à discuter. Il est chauve, il est sympa, il a un petit air… de Marc, que j’adore. Nos genoux se touchent quand on parle. Il me fait rire. Mince, j’ai beaucoup trop bu. Faut que je retrouve Aurélien.

Je fais le tour du festival et retrouve mon meilleur ami dans l’espace VIP. Dans sa main, une petite boîte blanche et orange. “Velo”. Tiens, c’est quoi, ça? “Du snus. C’est un truc de Suède, en gros c’est des petits sachets qui contiennent de la nicotine. Tu poses le sachet sur ta gencive et ça libère de la nicotine directement dans tes muqueuses, donc c’est plus intense qu’une cigarette. Et tu ressens un rush, un high, super agréable. Ça dure environ trente minutes. Tiens, essaye.” J’attrape un petit sachet, et je le coince sous ma lèvre supérieure. Un goût sucré se répand dans ma bouche.

En moins de cinq minutes, je sens ma tête qui tourne un peu. Les effets de l’alcool sont amplifiés. Je me sens légère, mes bras flottent dans les airs. J’adore cette sensation. “C’est pas trop développé en France, mais en Suède les gens prennent tous ça! Même au travail!” Ah ouais, difficile de se concentrer dans cet état. Mais pour faire la fête, c’est parfait. Je ressens pas vraiment la fatigue et je suis heureuse et détendue.

Au bout d’une bonne demi-heure, les effets s’estompent. “Maintenant, tu craches dans le petit réservoir, en haut de la boîte.” Je crache? “Ouais, tu craches le sachet quoi.” Pratique, ce Velo. On attend une bonne heure avant d’en prendre un deuxième. “Par contre après, on arrête, si tu en prends trop ça fait vomir assez facilement.” Ah ouais, je vois.

Je retourne me promener sur le festival, et, dans un couloir en backstage un peu à l’écart de toute cette agitation, je me trouve face à face avec Raphaël. On rediscute un petit peu, je me rapproche de lui. Je veux tenter ma chance, je passe ma main dans ses bretelles. Il m’embrasse.

Après quelques bisous, je lui glisse à l’oreille ; On peut se poser tranquillement dans un coin après si tu veux, je retourne voir mes potes un moment. “Avec plaisir”. Je m’éloigne, toute contente.

Finalement, j’ai juste le temps de recroiser Raphaël en vitesse et de récupérer son insta. Le lendemain, je lui envoie un petit message pour se retrouver. On a tous les deux beaucoup, beaucoup bu. Encore. On s’embrasse à nouveau, puis on retourne faire la fête avec nos amis. A 7h du matin, je me sens un peu fatiguée, alors je vais le voir pour lui dire au revoir. “Moi aussi je vais rentrer, on peut marcher un peu ensemble si tu veux.”

Il se met à pleuvoir, doucement. On marche, main dans la main. Il me fait rire, un peu comme Marc me faisait rire. Je passe un bon moment. On arrive à un croisement ; il tourne à gauche, moi à droite. On dort tous les deux chez des potes, donc on ne peut pas vraiment passer la nuit, ou plutôt la matinée, ensemble. On se regarde, toujours main dans la main. “Bon, bah… Salut.” Au moment où nos lèvres se touchent, la pluie fine se transforme en déluge. On est trempés en quelques secondes. Moi qui pensais être partie pour un one night stand, je suis en train de vivre le baiser le plus romantique de ma vie.

Au bout de quelques instants, on s’éloigne. Nos yeux se croisent; “On se recapte?” Bien sûr, quand tu veux. A bientôt!

Mes chaussures font sploch, sploch à chaque pas, mais peu importe, je suis sur mon petit nuage. Comme quoi, je peux vivre de très belles expériences, même sans Marc.

En rentrant chez moi, j’ouvre mon laptop et tape “acheter snus velo internet”. Je tombe sur des dizaines de sites Suisses, qui proposent la livraison en une journée. Ni une ni deux, je commande trois boîtes que je fais livrer chez Thomas.

Le week-end était épuisant, je sens que je manque d’énergie. Je ne suis pas très bien au travail, j’ai comme une petite envie de démissionner. Envie passagère. C’est la fatigue, ça me passera.

On est mercredi, Marc me manque. J’ai envie de le voir. Je cède. Je lui envoie un message ; Tu fais quoi ce week-end? On peut se voir? Mon téléphone sonne, il m’appelle, je décroche avec un peu d'appréhension. “Ouais, non, je suis pas disponible. Et je pense pas que ce soit une très bonne idée.” Non, ok, je comprends, je sais pas trop ce qui m’a pris, j’ai eu une semaine un peu compliquée. “Pas de soucis, passe un bon week-end”. Je suis un peu déçue. En même temps, je ne m’attendais à rien. J’ouvre Instagram, je clique sur le nom de Raphaël ; Tu fais quoi ce week-end? Ça te dirait de se voir? “Je rénove une maison avec des potes. Tu veux venir?” Ouais, pourquoi pas!

Un peu fou, comme plan, d’aller rénover une maison chez quelqu’un que je connais à peine, avec ses amis que je ne connais pas. Mais bon, je suis là pour suivre le flow de la vie, et vivre des expériences. Alors, allons-y.

Je m’excuse auprès de Marc, c’était une mauvaise idée et je n'aurais pas dû proposer ça. Il répond de suite ; “J’aurais bien voulu te voir, c’est ce que les amis font.” Marc, si je te demande de venir chez toi, c’est pas pour dormir dans ta chambre d’amis…

Samedi après-midi, je saute dans le train. J’arrive à l’adresse indiquée par Raphaël, il y a une grande maison. Une femme, qui doit avoir la quarantaine, est en train de nettoyer le muret devant la maison. Il doit avoir des amis de tous les âges, moi aussi au volley j’ai des potes qui ont un peu plus de 40 ans.

“Tu es Anaïs? Enchantée, je suis la maman de Raphaël!” Je souris. Waouh. La maman de Raphaël. Je ne m’y attendais pas. Je rentre dans le jardin, et je croise l’ancien coloc de Raphaël, celui que j’avais ramené chez lui quelques années auparavant. “Ah, salut Anaïs! Raphaël est juste là!”

Raphaël descend, me dit bonjour et me fait visiter sa maison. Il me présente sa demi-sœur, et un ami de son ancien coloc. Cet ami est Indien, il ne parle pas français. On prend quelques bières et je les aide à ranger le matériel et nettoyer les outils.

La mère de Raphaël va préparer le repas, je l’aide un petit peu. On reprend une bière, puis deux, puis trois… Encore, encore de l’alcool. Pendant le repas, la mère de Raphaël discute avec l’Indien. Elle lui parle en français, il lui répond en anglais, elle ne comprend pas l'anglais, leur conversation n’a ni queue ni tête. Raphaël, son ancien coloc et moi, on est tordus de rire. L’Indien porte un béret, il se sert des pastis plus jaunes qu’un tournesol.

Raphaël essaie de faire une blague à l’Indien. C’est l’histoire d’Isaac, qui va voir le rabbin et lui dit : “Tu connais mon fils? Il est devenu catholique.” Le rabbin lui répond, tiens, c’est bizarre, tu connais mon fils? Lui aussi, il est devenu catholique. Alors Isaac et le rabbin vont voir Dieu pour leur raconter leur histoire. Dieu, tu connais nos fils? Ils sont devenus catholiques. “... And then, God says to the Rabbi : Hey, it’s strange… Do you know my son?” Tout le monde rigole, mais pas l’Indien. “You know, because it’s Jesus Christ.” “Who??” “Jesus Christ, the son of God?” “Who is that?”

Échec de la blague, différences culturelles. Mais le tableau reste incroyable, c’est comme si tous ces éléments n’avaient rien à faire ensemble et pourtant, on est tous là, mélangés, à boire du pastis et à rigoler. Ce week-end si singulier a un peu été un moment déclencheur. Rencontrer toutes ces personnes, dans ce cocon hors du temps, hors des normes, m’a fait réaliser que la vie, c’est bien plus riche que faire vélo, boulot, dodo.

La mère de Raphaël, c’est un personnage. Elle est... elle-même. Elle vit, hors des codes de la société, hors du jugement. Elle n'a pas beaucoup d’argent, et pourtant elle a le cœur sur la main. Avant de repartir, le lendemain matin, elle m’offre des fleurs de son jardin.

Je me questionnais déjà un peu sur le féminisme, et très, très légèrement sur la politique (qui est intrinsèquement liée aux questions féministes), mais cette expérience a marqué un virage brutal à gauche dans mes opinions.

J’ai pas vraiment le temps de me remettre de mes émotions, que le week-end suivant, on a à nouveau un tournoi de volley. Cette fois, c’est nous qui l’organisons, le tout supervisé par… Gabriel.

Ça faisait longtemps que je ne l’avais pas vu. Il passe manger à la maison, on rigole un peu. Marc aussi viendra jouer. Samedi. Je ne sais pas trop comment je vais réagir quand je le verrai.

Samedi. Marc doit bientôt arriver. Je suis prise par l’organisation, et en même temps, je n’ai qu’une seule envie, c’est de le voir. Je veux juste savoir si j’arriverai à lâcher l’affaire. Je suis assise à une table, en face de l’entrée, pour accueillir les participants.

Et je le vois arriver sur son vélo. Quelqu’un me parle, mais je n’écoute plus, je vois juste Marc, qui s’avance vers moi. “... so?” So, sorry, I… I wasn’t listening for a minute, could you repeat your question? Marc attend, derrière. Je réponds à la personne en face de moi, puis il s’avance pour me dire bonjour. Je regarde dans ses yeux. Et je m’y perds. Fuck.

“Salut.” On se fait la bise, je détourne le regard. Il s’éloigne, mon cœur bat si vite, je suis complètement chamboulée. Je vais voir Julia, je lui dis que ouais, en fait Marc, je l’aime vraiment bien, et, je sais pas, de le voir ça m’a fait quelque chose… J’ai ressenti un truc, je sais pas vraiment dire quoi… “Et… tu lui as dit?” Bah, non. Peut-être que je devrais.

La soirée commence, je prends quelques bières. Je croise Marc, on était tous les deux un peu occupés. Ce soir, lui et Thomas s’occupent de la musique. Marc, on pourrait discuter un moment quand t’as le temps… ? “Discuter de quoi? De toute façon je suis un peu occupé, là.” Ouais, pas de soucis.

Mais en fait, si, il y a un gros soucis. Je sais pas ce que je fais là, ça me trouble trop de le regarder dans les yeux, et je suis complètement perdue. Je le vois s’éloigner, seul, pour aller installer son matériel de son. J’hésite.

Il est trop tard pour avoir peur, je ne veux pas gâcher mon temps à être indécise. Je le rejoins. Il est seul. Marc, vraiment, on peut juste discuter… Enfin, je sais pas, je pensais que ça irait de te voir ce soir, mais en fait je crois que c’est un peu plus compliqué que ça… Je… Je sais pas, je regarde dans tes yeux, et je ressens quelque chose. “Non mais ça sert à rien de discuter. Il y a rien à dire. En plus je suis occupé, là.” Ouais mais… je…

Les mots ne me viennent pas. Je ne sais plus quoi dire, je m’en vais. Je me sens mal. J’ai juste envie de pleurer. Mais avec 400 personnes autour de moi, c’est pas idéal. Je marche en direction des toilettes, les yeux qui commencent à piquer. Je tombe nez à nez avec Gabriel. Il comprend directement que ça ne va pas. “Tout va bien?” Les yeux humides, la voix tremblante, j’essaie de répondre. Ou… oui… je… je suis juste un peu stressée par l’organisation. J’esquisse un sourire, puis je repars. Direction les toilettes. Je ferme la porte, et je commence à pleurer.

Je ressens tellement de choses, je ne sais pas quoi faire de toutes ces émotions. J’ai qu’une seule envie, c’est de rentrer chez moi. Mais je dois aider à organiser tout ce foutu tournoi. Je regrette. Dans quoi je me suis embarquée, encore?

Je m’essuie les yeux, prends une grande inspiration et retourne faire la fête, ça me changera les idées. Quand je rejoins mes potes, l’un d’entre eux me demande, discrètement, “T’as pu parler avec Marc ?” et je me remets à pleurer instantanément. Ils me prennent dans leurs bras, me rassurent. Certains d’entre eux ne sont pas au courant, pour Marc et moi, alors je ne peux pas trop expliquer ce qui se passe. “Anaïs, tu es incroyable, tu as tellement évolué cette année! Je t’admire beaucoup, tu es une personne formidable.” Leurs mots me réchauffent le cœur, j’arrive à reprendre mes esprits. J’ai envie de voir Aurélien.

Je le cherche, dans la foule, quand sa main se pose sur mon épaule. “Ah, putain ça fait une heure que tout le monde te cherche!! Je suis allé insulter Marc, t’es allée lui parler et après t’as disparu! Il t’a dit quoi encore?” Oh, rien… Je pensais pas ressentir autant de choses, c’est tout…

Aurélien me prend par le bras, on va danser. Je me mets dos à la scène, pour ne pas voir Marc mixer. Je sens son regard qui se pose sur moi, parfois. Snus, bière, snus, cocktail. Finalement, j’arrive à profiter un peu de la soirée.

Le lendemain matin, j’arrive sur le tournoi, fatiguée. Je prends mon petit déjeuner, je vois Marc qui mange, seul. Je vais m'asseoir à côté de lui. Tu sais Marc, je suis désolée d’avoir voulu te parler hier soir, je sais que c’était pas un bon moment. Je suis juste un peu perdue. “Non, je… T’étais passée où? Je suis allé te chercher mais je t’ai pas trouvée…” Oh, j’avais juste besoin d’être un peu seule. “Ah, ok…” Silence. Je mange ma banane, il boit son café. Je me lève, j’organise un tournoi quand même, j’ai des trucs à faire. “Ah, Anaïs…” Oui? “J’ai reçu ta lettre.” Je le regarde, il me regarde. Silence, encore une fois. C’est tout. Rien de plus. Je sens mon cœur qui se serre, encore une fois. Mais il n’y a rien à faire, rien à dire, alors je retourne gérer la buvette.

Un mec, d’à peu près mon âge, arrive et me tend un chargeur et son téléphone. “Salut, tu pourrais brancher ça s’il te plaît?” Non, mais je peux te brancher si tu veux.

On rigole. Je prends son téléphone et le met à charger. “Merci, c’est cool.” Pas de soucis. Tu t’appelles comment? “Hugo, et toi?” Moi c’est Anaïs. On sourit. Il est cool, et surtout, il est chauve… comme par hasard.

Marc arrive, il ne reste pas ce soir. Il commence à dire au revoir à tout le monde. Quand vient mon tour, il me fait la bise. Je le regarde prendre ses affaires, et je lui demande, à l’écart ; On pourrait juste se faire un câlin? Je te raccompagne à ton vélo.

Il me regarde, une expression bizarre sur son visage. “Mais t’es folle.” Et il s’en va. Je reste un peu là, bouche bée, à réaliser ce qui vient de se passer. Encore une fois, Gabriel passe. “T’as pas l’air très bien, t’es sûre que ça va?” Je… Ouais, t’inquiètes. Juste un peu stressée. Je vais aller aux toilettes, je reviens dans cinq minutes.

Scène de la veille on repeat. Je suis triste, je pleure, et je sais pas quoi faire de toutes ces émotions qui m’habitent. Quand je sors des toilettes, tout le monde voit bien que j’ai les yeux un peu rouges, et la voix qui tremble. Quand on me demande si ça va, je réponds que c’est la fatigue. Je vais prendre une bière et un petit snus, j’arrive pas à supporter.

Aurélien me rejoint. Je lui raconte ce qui vient de se passer. Mon téléphone sonne, c’est Marc.

Anaïs, mon départ a été un peu précipité par le malaise (dans le sens mal à l'aise) et la peur (un peu exagérée mais réelle) que j'ai eue quand tu m'as demandé un câlin ! Je ne voulais pas partir comme ça particulièrement, en tout cas on aurait pu prendre deux minutes pour discuter, comme deux amis qui se quittent à la fin d'un week-end.

Je ne veux pas rendre les choses plus compliquées, par rapport à ce que tu ressens, et aussi par rapport aux autres, donc je préfère qu'on ne fasse pas de câlin en public...

Je préfère être clair. Comme j'ai le sentiment de l'avoir été, même si tu ne l'as pas forcément ressenti ainsi...

J'étais content de te revoir mais la situation reste la même, je préfère que tu le saches pour ne pas imaginer des trucs.

Je me sens blessée, et j’ai l’impression qu’il ne réalise pas qu’il m’a blessée. Surtout, me dire que je suis folle, c’était peut-être pas nécessaire et un peu too much. Je suis énervée.

Désolée, Marc, je voulais pas te mettre à l'aise, je sais pas, pour moi ça voulait pas dire grand-chose de se faire un câlin, je pensais pas que ça te dérangerait. Juste pas super ta réaction quoi.

Je suis pas trop dans le mood pour une grande réponse et je pense qu'il y a plus rien à dire, sorry.

J’ai besoin de réajuster mon plan d’existence. Je ne vibe plus sur la bonne fréquence, j’étais en résonance avec Marc mais de toute évidence il n’y a que moi qui vibrait, alors il faut que je m’adapte à cette nouvelle situation. Si mes étoiles ne sont pas alignées, j’y peux rien, mais je peux moduler ma vibe. Profiter de cette soirée avec une nouvelle énergie, une nouvelle optique. Et essayer de me laisser à nouveau porter par le flow de la vie.

Bière, bière, snus. Cocktail, cocktail, cocktail. Snus. Cocktail. Snus. Shot. Shot. Snus. Je croise Hugo, le gars du téléphone. On danse ensemble, le courant passe bien. On s’embrasse, quand soudain, je me sens mal. Faut que j’aille aux toilettes. Je sors de la pièce, quand Hugo me rattrape. “Tu marches pas droit, je t’accompagne. T’es sûre que ça va?” Ouais, ouais, t’inquiètes. C’est gentil.

Je me penche au-dessus des WC, ma main contre le mur. Je respire, tout tourne autour de moi. Noyer sa tristesse dans l’alcool, quelle riche idée. Je vomis. Une fois, deux fois. Aurélien m’avait dit de faire attention avec le snus. Ça fait vomir.

Je me rince la bouche, et je ressors. Hugo m’attendait. On discute, on regarde les étoiles. Je lui parle de mes chats. Il est super sympa.

On commence à marcher en direction de la fête, quand je me sens à nouveau mal. Je m’appuie contre un arbre, et vomit encore. Une fois, deux fois. Je reste appuyée sur cet arbre pendant de longues minutes. Hugo me tient compagnie, Gabriel, qui passait par là, vient prendre de mes nouvelles. Je n’ai pas complètement conscience de tout ce qui se passe, j’espère qu’ils ne parlent pas de moi. Je m’endors dans un canapé.

Dernier jour de tournoi. Un peu avant la fin, j’arrive à retrouver Hugo. Merci pour hier soir, de m’avoir tenu compagnie… C’était super gentil. Tu as Insta? “Ouais, pas de soucis c’est normal.” Il me sourit.

Quand les derniers participants sont partis, mon téléphone sonne. Hugo? Non, Marc. “Alors, c’était bien la soirée hier?” Je ne réponds pas tout de suite. Encore une fois, je suis perdue. Vu son message d’hier, je ne pensais pas qu’il me reparlerait si tôt.

Cette semaine, je parle à Hugo tous les jours. Et tous les jours, je parle à Marc. Je sais pas vraiment pourquoi, on a toujours une bonne excuse pour se parler, Marc et moi. Tous les jours. Alors je propose à Hugo de se voir vendredi, pourquoi pas, après tout, ça me changera les idées. Mais je le préviens aussi que moi, je suis juste là pour suivre le flow de la vie, et je ne veux pas d’une relation ou de quoi que ce soit de sérieux. No commitment.

On se retrouve dans un bar, on commande une bière. Au bout de quelques minutes, il ouvre son sac. “Je me promenais cette semaine, et j’ai pensé à toi…” Oh non. J’ai peur. Il sort un petit cube, emballé dans du papier cadeau. Je déteste recevoir des cadeaux. Ah, c’est gentil… Je sors une jolie tasse, avec un petit chat en verre au fond de la tasse. “Comme tu as des chats, et que j’ai trouvé ça trop mignon…” Ah ouais, mais… enfin… je t’ai dit, je veux rien de sérieux, et… c’est très gentil, mais il fallait pas…

Je suis assez mal à l’aise. Nos bières sont finies, je lui propose de rentrer chez moi pour passer la nuit.

Pas dingue cette nuit, pas dingue. Je reste éveillée un moment, une question me trotte dans la tête. A part Rose, j’ai pas vraiment eu d’expérience sexuelle transcendante récemment. Est-ce que c’est Marc, qui était spécial, ou j’ai juste pas eu de chance avec mes deux dernières conquêtes?

J’espère que c’est la deuxième option, sinon, panique. Le lendemain, je me lève tôt, j’ai un tournoi de volley.

Mais Hugo a la flemme de se réveiller, ce matin. Je fais semblant de devoir préparer mes affaires, même si elles sont déjà prêtes, et je lui propose gentiment de le ramener à la gare. “Oh non, j’ai envie de passer du temps avec toi…” Rire gêné. Oups. Comment se sortir de cette situation. Il est quand, le prochain train? “J’en ai un dans quinze minutes, et un dans une heure.” La gare est à dix minutes, c’est parfait. Ça me laissera le temps de faire mes affaires… Rire gêné.

Sur le trajet, Hugo n’arrête pas de parler. “J’ai vraiment passé une super soirée, il faut trop qu’on se refasse ça.” Je ne réponds pas vraiment, je souris vite fait. Bon, bah… à une prochaine!

Soupir de soulagement sur le chemin du retour, enfin seule. J’ai reçu quelques messages d'Hugo, déjà, mais je regarderai plus tard.

La question d’hier soir m’occupe l’esprit. Encore un message de Marc. J’ai pas vraiment envie de faire ça, mais là ça devient nécessaire. Je lui fais un message vocal, la voix tremblante à cause de l’émotion. J’ai envie de pleurer.

Marc, on peut pas continuer à se parler tous les jours comme ça. Moi, je peux pas vraiment gérer ça. Je sais que ça va aller, mais pour que les choses soient plus normales quand on se revoit, je pense qu’il faudrait qu’on prenne un peu de distance. Qu’on arrête de se parler jusqu’à ton festival, en fait. Je… Je suis désolée, j’espère que tu comprends.

Il est un peu surpris, il s’excuse. “Je pensais pas que tu le ressentais comme ça, on ne se parle plus jusqu’au festival alors. Désolé.”

Dans la foulée, j’installe Tinder. J’ai envie de me changer les idées, et swiper c’est quand même un peu addictif. Ça fera ma dose de dopamine que j’ai perdue en coupant le contact avec Marc.

Au tournoi de volley, je m’allonge dans l’herbe avec Jean et Lola. On regarde le ciel, bleu, sans un seul nuage. Il fait chaud, j’ai ma casquette sur les yeux pour me protéger du soleil. Jean me demande où j’en suis, dans ma vie.

Tu sais, en ce moment, c’est un peu bizarre… Je me laisse juste porter par le flow de la vie, je suis les énergies… Je sais pas trop comment dire, mais ma philosophie du moment c’est un peu… “Free spirit” ! Esprit libre.

Finalement, j’ai peut-être les étoiles alignées.




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