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Chapitre 1 - Marc, Marc, Marc


Les chansons du chapitre:

 Diamant v2 - Georgio et Yoa


 OSB - lil yan


 La fin de l’histoire - Petit voyou



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J’arrive chez Thomas avec Gabriel. Quand j’ouvre la porte, il y a déjà pas mal de monde. Je vois Marc, au fond de la cuisine. Il dort chez Thomas ce soir. Je dis bonjour à tout le monde, de loin, et j’évite à tout prix de croiser son regard.

On boit, un peu, beaucoup. Je jette des petits coups d'œil vers Marc, discrètement, de temps en temps. J’ai l’impression d’être ailleurs, les sons résonnent dans ma tête et les scènes de la veille tournent en boucle. Son rire me tire de ma rêverie, je ravale mon sourire. Il se fait tard, on va aller en boîte.

Marc me tourne le dos. Il est loin de moi. J’ai envie de danser avec lui, mais je ne peux pas m’approcher. Tout le monde est là, autour de nous, et on doit garder ça secret. Gabriel nous dit au revoir, il rentre se coucher. J’ai envie de danser encore un peu.

Le club ferme. Thomas et d’autres amis partent en after, mais Marc est fatigué, il va rentrer. Lola aussi, d’ailleurs, et elle habite vers chez moi. Elle me propose de rentrer ensemble. Je regarde Marc s’éloigner sur son vélo. Merci Lola, mais… j’ai envie de prendre un autre chemin pour rentrer, et, tu sais, comme je suis en vélo électrique… je vais speeder… “Ok, pas de soucis, bonne nuit!”

Je fais quelques dizaines de mètres dans une direction, au hasard. Je m’arrête, demi-tour. Je veux voir Marc. Quand j’arrive en bas de l’immeuble de Thomas, je vois le vélo de Marc accroché à la rambarde. Dans l’ascenseur, la pression monte. J’ai un peu mal au ventre, ma tête tourne. Alcool, excitation? J’enlève mes chaussures. Et je toque à la porte.

Marc ouvre, en caleçon, l’air surpris. Il me voit. “Oh, putain.” Et il ferme la porte aussi sec.

Marc ouvre. “Euuuh… rentre. Je vais prendre ma douche, j’en ai pour deux minutes.”

Je m'assois sur le canapé et prends une seconde de réflexion, pour essayer de réaliser ce que je viens de faire. Marc sort de la douche et m’embrasse sur le canapé de Thomas. J’adore quand il murmure dans mon oreille comme ça. Mon cœur s’emballe.

J’ai à peine le temps de remettre mes sous-vêtements que la porte s’ouvre. Thomas me regarde, surpris. Euuuh… Salut, Thomas. Je pars tout de suite, bonne nuit. Je regarde Marc fermer la porte, et je redescends les escaliers, un par un, sans vraiment réaliser ce que je viens de faire. J’ai surtout du mal à évaluer la dimension de notre relation. Oui, je l’apprécie beaucoup, mais… Cette attraction qu’on ressent à l’évidence tous les deux, c’est probablement purement physique. On ne se connaît pas si bien que ça, et on ne s’était jamais vraiment parlé avant la semaine dernière.

Quand je me réveille, Gabriel est déjà parti, avec toutes ses affaires. Je me sens un peu coupable. Et en même temps, j’ai passé une soirée géniale.


Marc et moi, on s’envoie des messages toute la semaine. Tous les matins, on se souhaite une bonne journée. Tous les soirs, on ne va pas se coucher sans se dire bonne nuit. Est-ce qu’on peut se revoir vendredi?

Quand j’arrive, il me refait un câlin comme il sait si bien le faire. On cuisine ensemble, il me tient par la taille quand il passe derrière moi. Il embrasse mon cou. Il sait exactement me montrer qu’il m’aime bien, et j’adore ça.

Avant de s’endormir, on discute en chuchotant. Ça donne un côté plus intime, plus proche… J’adore quand on se parle comme ça. Marc est lancé sur la politique. Il est passionné, révolté par le contexte actuel. Sa voix est douce, mais il est très intense dans ses propos. Moi, je ne me suis jamais vraiment intéressée à la politique. Je n’arrive déjà pas à gérer ma propre vie, alors imagine penser à la négativité de la société…

“Mais non, Anaïs!” Il chuchote, se retourne, me caresse le dos. “C’est super important, ce qui se passe autour de nous! Il faut que tu t’y intéresses!” Ça me fait sourire. Il sait bien me faire sourire, Marc…

Le lendemain, on part faire une petite balade. Pour grignoter pendant notre marche, il me propose des biscuits. Des Belvita. C’est marrant, tous les matins quand je travaille je mange des Belvita. Mais c’est pas les Belvita natures, ceux-là je les aime moins… Non, moi mon truc c’est les Belvita tout chocolat. Mais aussi d’habitude je prends pas de Belvita le week-end parce que pour moi c’est vraiment associé à un jour travaillé. “Ah, désolé, j’ai que les Belvita normaux…” Ça ira très bien, c’est un peu bizarre aussi d’être si intense pour des biscuits.

On marche, Marc me fait des blagues. Quand on est ensemble, j’ai ce sourire sur mon visage que je n’arrive pas à enlever. Je commence à avoir mal aux joues, à force de sourire. Il me fait remarquer que je n’articule pas trop quand je parle. En même temps, avec ce sourire figé sur mon visage, difficile de solliciter mes muscles... Je me sens toute excitée, comme une enfant à Noël. Mes pensées ne sont pas aussi claires que d’habitude, tout est un peu confus, comme si j’avais des montées d’adrénaline. J’ai du mal à contrôler ce que je dis, à cause de ce sentiment de bonheur un peu envoûtant…

Je parle beaucoup, et surtout de mon travail. Parce qu’en ce moment, je m’enferme tous les jours dans les toilettes pour pleurer. Ça se passe pas super bien avec mes collègues, je sais pas trop comment tout gérer…

“Tu connais la technique du miroir? Tu prends une feuille, et tu écris une raison pour laquelle un collègue t’énerve. Puis tu te mets à sa place et tu écris pourquoi tu penses qu’il agit comme ça.”

Ah, de bons conseils. Sûrement l’âge qui fait ça, c’est un vieux sage après tout…

Je rentre à Genève. Ce soir, je vais à un festival, seule. C’est la première fois que je fais un événement comme ça toute seule, ça me stresse un peu. Mais je me sens confiante, bien dans ma peau, forte… Cette relation avec Marc est très empowering pour moi.

Il y avait deux scènes séparées, et que des artistes que j’avais envie de voir. J’ai pu naviguer entre les deux scènes, comme je voulais, sans devoir suivre le rythme d’autres personnes. En rentrant, j’étais super fière de moi d’avoir osé aller à un concert seule, en plus de m’être bien amusée!

Lundi matin, en arrivant au travail, je sors un petit carnet. “Exercice du miroir!” Je commence à parler de mes collègues, de mes émotions, de leurs émotions… J’ai l’impression de me sentir mieux connectée à mon environnement. C’était la première entrée du Journal d’Anaïs.

Le week-end suivant, Marc va passer à Genève pour faire une soirée avec ses colocs. Les, bonne journée, bonne nuit, se succèdent. Jeudi, j’ai un date avec une fille à Annecy. J’hésitais un peu à planifier ça, mais elle avait l’air très sympa, et j’ai besoin de voir des gens un peu différents. Avec Marc, on est pas en couple, on a chacun notre liberté, et il m’encourage même à voir des filles parce qu’il sait que je ne suis toujours pas au clair sur ma sexualité.

Mais quand j’arrive, je déchante. Elle était mignonne, sympa, elle avait l’air assez intelligente, mais pendant tout le date, je n’avais qu’une seule pensée qui me trottait dans la tête ; Marc, il me fait beaucoup plus rire, quand même. Et quand je le regarde, je ressens un truc, un truc que je ne ressens clairement pas là, tout de suite.

En rentrant, j’ouvre Tinder et contacte mon date. “Hello, j’ai passé un bon moment ce soir mais je pense qu’il vaut mieux qu’on en reste là ! Je suis un peu perdue et je sais pas trop ce que je veux en ce moment, désolée. En tout cas t’es une super personne et je te souhaite bon courage pour la suite!”

Le lendemain, je vais dormir chez Marc. Je lui raconte mon date de la veille, et je lui dis que je pensais à lui pendant tout mon date. Qu’il a ce quelque chose que d’autres n’ont pas. Il sourit, me câline, mais il ne répond pas vraiment. Je rentre à Genève le lendemain matin, on se verra le soir. Mes amis ont prévu une soirée Blind Test dans un bar, avant de décaler dans un club. Marc nous rejoindra un peu tard.

Il est 22h50, je suis sur mon vélo en direction du bar. Je reçois un message de Marc “J’arrive à la Gare.” Je suis à côté, je m’arrête. J’attache mon vélo et je me dirige sur le quai.

Je sens une main se poser sur mon épaule, je tourne la tête. Marc. Il me prend dans ses bras, et on se met à marcher en direction de l’appartement de Thomas. Sa main prend la mienne. Il me serre, fort. Tu sais, Marc… Je… J’adore passer du temps avec toi… Il sourit. Il a déjà beaucoup bu.

Non, mais en vrai, c’est vraiment cool, je me sens vraiment bien avec toi… et…

Pas de réponse. Je m’arrête.

Putain, Marc! J’essaie de te dire que je t’aime bien, mais j’ai aucune idée de si c’est réciproque ou pas!

“Ah, haha.. Mais bien sûr que je t’aime bien, sinon je serai pas là, avec toi. Mais tu sais, moi, je pourrais jamais te dire je t’aime. Et je suis pas une bonne personne.”

Mais qu’est-ce que tu racontes. C’est à moi d’en juger, si t’es une bonne personne ou pas. Et jusque-là tu m’as juste montré que t’es super cool.

On rigole. On est arrivés. On s’embrasse. On peut pas monter ensemble, pour pas que nos potes puissent suspecter quelque chose. On se rejoint au bar, alors.

Je fais le chemin inverse pour aller récupérer mon vélo, pensive. Il m’a dit qu’il m’aimait bien… Je souris seule dans la rue rien que d’y penser. En fait, je retiens surtout cette première phrase. La suite, c’était un peu bizarre, je vais mettre ça sur le compte de l’alcool.

Je retrouve mes amis au bar, je commence à jouer avec eux. Le Blind Test, c’est pas trop mon truc, alors je me concentre sur boire des bières et discuter avec la personne assise à côté de moi.

Au bout de quelques minutes, Marc arrive. On est dix, autour d’une table quatre places. On est très serrés, mais heureusement, je ne suis pas assise juste à côté de lui. Je continue à discuter, pour éviter de risquer de croiser son regard.

Je me lève pour aller aux toilettes, et passe à côté de lui. Il se décale, pour me bloquer le passage, et fait glisser discrètement sa main sur ma cuisse. “Marc !” s’exclame Jules. “Tu peux laisser passer Anaïs, quand même!” Ouf, il n’a pas vu sa main. Je souris, un peu gênée, me libère et descends dans les toilettes.

On continue la soirée, on va en club, le club ferme. Petit after chez Thomas? On prend nos vélos. Marc roule à côté de moi.

“Tu sais Anaïs, moi, je suis pas un exemple… Je suis une merde… Je suis vraiment une merde…”

Il recommence. Je le rassure. Mais non, Marc… Moi je t’aime bien… Si t’étais une merde je te dirais pas bonne nuit tous les soirs…

“Ouais, non, jsuis une merde.” Il a vraiment trop bu, je pense. “Peut-être qu’il faudrait qu’on arrête… Je sais comment ça fini, ces histoires, ça fini toujours mal…”

On arrive, Marc, Thomas, un ami et moi, dans l’appartement de Thomas. On boit encore un peu, puis notre ami s’en va. Marc va se coucher dans le lit de Thomas. Hé, Thomas… Je peux rester dormir ici ce soir? Avec Marc? Thomas rit. “Ouais, pas de soucis!” Il va se coucher dans le canapé.

Marc est déjà endormi. Je caresse son épaule, j’embrasse son front. Je le prends dans mes bras avant de m’endormir à mon tour…

Un rayon de soleil illumine la chambre. Je regarde ma montre. 7h35. Je vais rentrer me coucher chez moi, dans mon lit. J’embrasse Marc, sans le réveiller, puis j’attrape mes chaussures et quitte l’appartement en catimini.

Sur le chemin du retour, au milieu des champs, je chante. J’ai les étoiles alignées, en ce moment. Tout va bien dans ma vie. Pour la première fois depuis une éternité, je me sens vraiment… heureuse.

Je me rendors. “Dommage qu’on ait pas dormi ensemble hier soir!” Un message de Marc. Mais qu’est-ce qu’il raconte, on a dormi ensemble… “Ah bon?! J’avais tant bu que ça… ?”

Je rigole. Ce soir, on fait apéro chez Thomas.

La soirée se passe comme la dernière fois. On sort tous ensemble, puis, un peu avant la fin, Marc dit qu’il est fatigué, qu’il va rentrer, je dis que moi aussi… Puis on se rejoint chez Thomas, et on prend une douche ensemble. Thomas dort chez Lola ce soir, on a tout l’appartement pour nous.

Le lendemain matin, on est réveillés par Thomas qui rentre chez lui. J’enfile rapidement mes vêtements avant de m’éclipser.

Quand je rentre chez moi, encore une fois, je me sens bien. Pour la première fois depuis très longtemps, au lieu de passer mon temps libre dans mon canapé à regarder Netflix, j’attrape un livre qui trainait dans ma bibliothèque. Et je redécouvre, un peu, le plaisir de lire.

Sauf que j’ai soif. Soif d’apprendre. Je crois que Marc m’a un peu contaminée avec sa passion de la politique. Mais moi, ce qui m’intéresse, c’est le féminisme. Alors je cherche des livres qui pourraient étancher cette soif.

Mona Chollet, Virginie Despentes, bell hooks, je commence à remettre en question le patriarcat et l’hétéronormativité. D’ailleurs, je m’intéresse beaucoup à la conception de l’amour hétérosexuel et de sa place dans la société capitaliste ; comment s’épanouir dans un système fait pour brider mes libertés? Comment être dans une relation avec un homme sans mettre de côté mes opinions féministes? Est-ce que je peux me dire féministe si j’adore écouter Lorenzo? (vraie question, je connais toujours pas la réponse)

Moi qui étais vraiment, vraiment perdue sur ma sexualité, lire et apprendre a aussi été un moyen de réaliser que je n’avais pas besoin de mettre un label sur mes préférences. Lesbienne, hétéro, bi, pan, autant de termes qui permettent sans doute à beaucoup de monde d’avoir une référence à laquelle s’identifier. Mais moi, je ne sais pas si je peux m’identifier à quoi que ce soit. J’accepte juste mon attirance et mes sentiments pour des personnes qui me plaisent, peu importe leur genre. Je ne suis pas lesbienne, je ne suis pas hétéro ; je suis Anaïs, et si cela ne convient pas à quelqu’un, qu’il ne s’intéresse pas à ma vie sexuelle. Je n’ai pas besoin de label pour me sentir légitime, et je ne pense pas qu’un label puisse décrire exactement ce que je ressens. La sexualité, c’est propre à chacun, ça peut être figé comme ça peut être fluide, et j’aimerais vivre un jour dans un monde où chacun pourrait vivre ses expériences à sa manière, sans devoir se soucier du jugement de quiconque.

Je suis plutôt contente, parce que, malgré tout ce qui se passe avec Marc, on a pas vraiment mis de mots sur notre relation. Enfin, on pourrait peut-être appeler ça une situationship. Mais on sait très bien tous les deux qu’on a pas trop de futur. Parce qu’il déménage bientôt à Marseille, et, une fois qu’il sera parti, on est, ni l’un ni l’autre, pas prêts à se lancer dans une relation à distance.

Alors souvent, quand on se voit, il me fait un peu la morale. Comme quoi il faudrait qu’on arrête, parce que ça va nulle part, et que lui, il connaît les histoires comme ça. Il sait comment ça fini, il l’a déjà vécu, parce que lui il est plus âgé, et il a plus d’expérience. Je lui réponds à chaque fois que je suis juste heureuse dans l’instant présent, et que tant que je suis heureuse le reste m’importe peu. Bien sûr que je serai triste si on arrête de se voir, mais bon c’est pas très grave parce que j’aurais passé de bons moments.

J’ai dormi chez lui un lundi soir. Il m’a emmenée faire un pique-nique et regarder le coucher de soleil. Le lendemain matin, en partant au travail, je lui demande s’il a un petit truc pour le petit-déjeuner que je pourrais grignoter sur la route. Il me sort un sachet de biscuits, des Belvita tout chocolat. Ah, c’est ce que je prends d’habitude le matin! “Oui, je sais… Mais tiens, prends une orange aussi, il te faut des fruits.”

Je monte dans ma voiture et je souris. Je suis trop contente, c’est tellement mignon et gentil de sa part d’avoir acheté des biscuits exprès pour moi. Mais je repense un peu à nos discussions de la veille, sur notre relation.

Pendant la matinée, je commence à écrire un message.

Coucou Marc, j’ai un peu réfléchi à notre discussion d’hier soir, et en ce moment j’ai vraiment pas envie de réfléchir donc ça m’a un peu fait paniquer. Mais dans tous les cas, je suis heureuse dans ma vie, un peu plus quand on est tous les deux, j’avoue. Mais je suis vraiment, vraiment super contente parce que je sais que j’ai pas besoin de qui que ce soit pour être bien (et c’est quelque chose que j’avais pas compris ces 24 dernières années). J’aimerais bien continuer à t’envoyer un petit message quand je pense à toi et te revoir de temps en temps. Mais je comprends que ça te fasse peur, donc si tu veux qu’on arrête de se parler ou de se voir dis le moi et tout ira bien!

J’ai plein de travail, la deadline de notre gros projet c’est vendredi, et on est vraiment loin d’avoir fini. Entre deux emails, je lis, lis et relis mon message. J’ai un peu peur de l’envoyer, un peu peur de lui donner l’option de tout arrêter de manière si ouverte.

Je prends mon courage à deux mains, “Envoyer”. Je remets mon portable dans ma poche, un peu anxieuse. Une dizaine de secondes plus tard, mon téléphone sonne. Marc qui m’appelle.

“Anaïs… Tu dis que tu as besoin de personne pour être bien, mais tu sais, la vie c’est mieux à deux… Et moi, je dis ça parce que je sais que c’est dangereux, que tu vas t’attacher. Mais moi je ne pourrais jamais te dire que je t’aime. Et je sais que dans ces situations, on finit toujours par être blessé… Mais j’ai quand même envie de continuer à te voir…”

Quand la conversation se termine, il m’envoie un petit emoji bisou sur Instagram. Je me remets au travail. Demain, c’est mon anniversaire. A cause de cette deadline, on finit le travail à 23h. Je suis fatiguée. Demain, c’est mon anniversaire.

Pour fêter ça, on prend un moment pour aller manger au restaurant avec mes collègues. On discute, on blague. Je leur parle de mes aventures récentes, de Marc, de son coup de fil hier. “La vie, c’est mieux à deux”. J’ai pris un tiramisu en dessert, la serveuse me l’amène avec une bougie. Joyeux anniversaire! Je souffle. 25 ans, ce sera l’année de toutes les bêtises.

On retourne bosser, jusqu’à minuit cette fois. La semaine va être longue. En plus, Marc est à Marseille pour son travail. Il m’envoie pas beaucoup de messages, et moi non plus parce que j’ai l’esprit complètement occupé par le taf.

Le jour suivant, on quitte le bureau à 1h du matin. Le samedi, il faut que je passe quelques heures au bureau pour finir un truc. Puis on devra y retourner dimanche pour boucler le projet.

Samedi soir, je suis épuisée. J’ai fait plus de 70h de travail depuis lundi, Marc est un peu distant, bref, les étoiles sont un peu moins bien alignées en ce moment. Alors je sors clubber avec mes amis, jusqu’à 4h du matin.

Dimanche, midi. Je me réveille. Je saute dans la douche, j’ai la gueule de bois. Je monte sur mon vélo, direction le bureau. J’imprime les derniers documents du projet. Je me sens soulagée. Tout le stress s’évacue. Je note, dans mon petit carnet, que plus jamais je ne pourrais faire une semaine à ce rythme-là. C’était beaucoup, beaucoup trop, et même si j’adore mon travail et mes collègues, je ne veux pas mettre en jeu ma santé mentale. En quittant nos locaux, je regarde un collègue. “Bon, bah… A demain.”

La semaine suivante, Marc est un peu plus distant. Et moi, je me rends compte qu’il me manque. J’ai envie de le voir, j’ai envie de lui parler un peu trop souvent. J’ai peur d’avoir des sentiments pour lui. Je reçois un message de sa part, “on se voit mercredi prochain?” Mince. Mais j’ai peur.

Ecoute Marc, je sais pas trop si j’aurai envie qu’on se voit d’ici là. Je crois que j’ai besoin d’un peu de temps. Si on continue comme ça, je risque de tomber amoureuse, et ça me fait super peur.

Encore une fois, il m’appelle presque instantanément. “Anaïs… Je ne pourrais jamais te dire que je t’aime.” (encore? il se répète!) “Mais si tu me le dis, ça me ferait plaisir, bien sûr, c’est normal, on aime tous être aimés… Enfin, prends ton temps pour faire le point sur tes sentiments… Moi, j’ai envie de te revoir en tout cas.”

On raccroche. En fait, je réalise de plus en plus que Marc a ce petit truc qui me rappelle... William. Ça fait des années, mais j’étais vraiment tombée folle amoureuse de William, et d’un coup j’ai peur de revivre la même chose. Parce que ça avait été vraiment compliqué pour moi de passer à autre chose, après William.

Je vais me promener dans la forêt, pour faire le point sur mes émotions. En fait, je ne veux pas avoir peur. Si je tombe amoureuse, je risque quoi ? D’être un peu triste ? Mais j’aurais vécu de très belles choses, parce que quand on est amoureux tout a l’air un peu mieux.

Quelques jours plus tard, je renvoie un message à Marc. J’ai envie de te voir… “Moi aussi. J’ai envie de toi.” Je souris, je rougis. Ah, Marc. Tu sais comment me parler.

Lundi soir, après le travail, je saute dans ma voiture pour le rejoindre. Encore une fois, on passe une super soirée. Alors qu’on va s’endormir l’un contre l’autre, il me sort, comme un cheveu sur la soupe: “Anaïs… tu sais que je me drogue?” Hein, quoi ? Euh, non je sais pas, mais, et alors? “Non, rien…” Moi j’ai jamais pris de drogue mais chacun fait bien ce qu’il veut…

En partant le lendemain matin, il me tend un sachet de Belvita tout chocolat et une orange. Depuis la veille, l’ambiance entre nous est un peu bizarre. Comme s'il essayait de me donner envie de ne plus le voir. Un peu comme cette histoire de drogue, sortie de nulle part. Et pourtant, on continue à s’envoyer des messages tous les jours. Il est juste de plus en plus distant. Je lui demande si quelque chose ne va pas, il me dit que non, c’est juste le travail, il est un peu fatigué. Je lui laisse un peu d’espace, mais il me propose quand même de se voir samedi.

Vendredi soir, je sors avec des amis. “Anaïs, tu veux pas sortir en boîte avec nous demain soir?” Demain ? Samedi ? Euh… Non, désolée. Je suis un peu fatiguée, je vais rester chez moi je pense. “Ah, tu vas pas plutôt à la montagne?” demande Thomas en rigolant. “A la montagne ? il y a qui à la montagne ? Marc ? Anaïs, tu vois Marc ?”

Hein ? Moi, Marc ? Non mais qu’est-ce que tu racontes ?

“Hahahaha, imagine. Ce serait drôle!” Oui, ce serait drôle. Haha.

Je déteste mentir. Le secret de ma relation avec Marc commence à me peser, j’ai du mal à passer du temps avec mes amis sans leur parler de LA chose qui prend le plus de place dans ma vie en ce moment. Mais je lui ai promis de ne rien dire à personne, alors il faut que je garde ça pour nous.

Samedi, je mets mon plus beau crop top, de la nouvelle lingerie, et je me mets en route. A peine arrivée, je raconte à Marc cette situation cocasse de la veille. “Faut vraiment qu’on arrête de se voir. C’est plus possible.” Euh… ok? Tu veux que je rentre chez moi du coup ? “Non, tu peux rester cette nuit… mais après c’est fini.” Aïe. Ouais, du coup quand tu disais qu’il n’y avait aucun souci, il y avait quand même un petit truc. Je suis un peu déçue que tu ne m’en ai pas parlé quand je t’ai demandé.

“Non, mais tu vas pas commencer à être comme ça…” Ok, ok. On en parle plus alors.

On va quand même se promener ensemble. On parle, il me raconte qu’à son âge, les gens commencent à se marier, à avoir des enfants… C’est clairement pas là où j’en suis dans ma vie. Moi, je dois découvrir la vie, profiter. Mais c’est vraiment ce dont t’as envie, toi, de te marier et d’avoir des enfants? “Ouais, non, je sais pas… Mais ça remet les choses en perspective un peu, on est juste pas aux mêmes périodes de nos vies. Tu sais, on a tous besoin d’un moment dans notre vie où on envoie tout en l’air. Et il vaut mieux que ce moment pour toi, ce soit maintenant, plutôt que tu ne te laisses pas aller et que ça recommence, exactement pareil, dans quelques années.”

Ouais, je vois. Quand on va se coucher, je me blottis dans ses bras, parce que je sais que c’est la dernière fois. Tu sais Marc, je suis quand même un peu triste… “Alors il vaut mieux qu’on s’arrête maintenant. J’ai pas envie que, si à mon festival, j’embrasse des filles, ça te rende triste.”

Euh, ok. Un peu bizarrement amené, comme son histoire de drogue, ça sort vraiment de nulle part. Mais bon, je peux comprendre. “Bonne nuit.” Bonne nuit, Marc.

Le lendemain matin, l’ambiance est un peu bizarre. J’ai envie de partir, et en même temps, il me prépare un café, me propose de faire un jeu de société. On rigole beaucoup ensemble, ses jambes sont étendues sur les miennes, je caresse ses cuisses. Mais tout ça a un arrière-goût amer, parce qu’on sait que c’est la dernière fois. La conversation se termine. On se regarde.

On sait que je dois partir, mais au fond, j’ai envie de rester là, avec lui, dans ses bras, perdue au fond de ses yeux. Ses yeux qui me font toujours ce petit effet. Je détourne le regard, on reste quelques minutes, assis en silence. “Bon…” Oui… Je vais y aller… En plus Lola m’a proposé d’aller boire un thé ensemble cet après-midi…

Pas de bisou, pas de câlin pour se dire au revoir cette fois.




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