Chapitre 0 - Rebirth
Les chansons du chapitre:
She - Dodie
On sera beau - Bisou et Suzanne Belaubre
Au top - Ascendant Vierge
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Nous voilà partis, Gabriel et moi, chacun sur notre chemin. On s’appelle quand même au moins une fois par semaine, c’est trop dur de ne plus l’avoir avec moi. J’ai peur d’être seule. Je n’ose pas rencontrer quelqu’un. J’ai besoin de savoir vivre seule, mais c’est tellement dur. J’ai besoin de quelqu’un avec moi.
Gabriel passe à la maison pour faire un week-end avec nos potes. Sur le chemin, on discute. “T’as revu quelqu’un ?” “Non, et toi?” “Non…” Silence. Un peu gênant. “T’as installé des applis?” “Non, je sais pas si je peux, je veux pas te mettre mal à l’aise.” “Non, pas de soucis! Ça me dérange pas.” “Ah, cool. Moi non plus”.
Swipe à gauche, swipe à droite. Swipe à droite, swipe à droite. Swipe à gauche. Swipe à gauche. Gauche, gauche, droite.
J’ai quelques matchs, quelques filles avec qui je discute, mais ça ne va pas plus loin. Encore une fois, j’ai peur. Trop peur !
Une copine attrape mon téléphone. Elle ouvre Tinder et regarde mes matchs. Je lui montre une fille avec qui je discute depuis un moment, Lisa. Elle est super belle, mais surtout super drôle. Ma pote commence à écrire… “Ça te dirait d’aller boire un verre?” Send. Non ! Je panique. On peut proposer un date après avoir discuté pendant trois jours ?! Elle va refuser à coup sûr. La honte. “Ouais, t’es dispo vendredi soir?” Ah. Oui !
J’arrive dans le bar, un peu en avance. On est en février, je suis venue à vélo, j’ai super froid. J’attends devant le bar, et je regarde une nouvelle fois sa photo pour être sûre de la reconnaître.
Je vois une fille qui lui ressemble, arriver à vélo. Elle a un certain style, avec son sac à dos plein de stickers et ses cheveux dans le vent. D’ailleurs, j’aime bien ses stickers. “Fuck cars, get a bike”. Moi aussi, je me déplace partout à vélo. Je m’approche d’elle. Coucou! Lisa?
On se fait la bise. C’est toujours un peu gênant, ces premières rencontres. On commande une première bière, on parle. Beaucoup. Elle sourit. Elle est trop belle, quand elle remet cette mèche de cheveux derrière son oreille comme ça. Sur son t-shirt, l’inscription “Female Gaze”. J’adore.
On commande une deuxième bière, on discute. “Tu veux aller danser? Il y a un club sympa pas loin.” On monte sur nos vélos, et on pédale côte à côte jusqu’à une boîte en centre-ville. La musique est sympa.
On danse, timidement. On se jette des regards gênés. La soirée avance, on se rapproche doucement, nos mains s’effleurent. Elle caresse mes cheveux et me demande, “Est-ce que je peux t’embrasser?”
Sa bouche, ses cheveux, sa peau, son odeur ; tout est doux chez elle. Ce moment semble durer une éternité. Mais d’un coup, la musique s’arrête. La lumière se rallume. Il est 3h, le club ferme. On sort lentement, “Je suis contente qu’on ait su dépasser notre timidité.” Moi aussi. “Tu… veux faire quoi?”
On pourrait continuer la soirée ensemble. Mais elle habite avec sa maman, et moi j’habite quand même super loin, alors je rentre chez moi, elle rentre chez elle. Dommage. On s’envoie quelques messages les jours suivants, mais ça en restera là.
A cette période, je passe de plus en plus de temps avec une pote du volley, Julia. La deuxième étoile dans ma vie, qui guide les autres dans la bonne direction ; Julia. Je t’aime mon kiwi.
Avec l’équipe de volley, on fait beaucoup d’activités ensemble. Surtout depuis que je suis célibataire, ça me fait voir du monde et sortir de chez moi. On fait aussi beaucoup de tournois. Des week-ends où on combine nos deux passions, jouer au volley et faire la fête. Pas facile de rester debout sur le terrain quand on a pas encore décuvé et qu’on a dormi trois heures.
D’ailleurs, on a un week-end planifié à la montagne. Au programme, ski et volley. Ça promet. Aurélien est là. Julia est là. Le meilleur ami d’un ami est là. Marc. On s’était déjà vus quelques fois sur d’autres tournois. Il organise un festival dans le Sud cet été. On va tous y aller, avec l’équipe de volley. Marc, il est sympa, mais il a un gros caractère. Il est pas très grand, chauve et barbu. Il a 32 ans, c’est vieux. Il passe pas inaperçu. C’est le mec en soirée qui se met toujours torse nu au bout d’une minute trente et qui pousse des cris de gorille. Bon, je dis ça, mais moi aussi ça m’arrive de faire le gorille. Mais j’aime bien sa voix. On prend l’apéro.
Swipe droite, swipe gauche. Swipe gauche. Gauche, droite, gauche.
Marc est à côté de moi. “Tu fais quoi ?” Je swipe, tu veux voir ? Elle est pas mal elle, non ?
“Ah ouais. Moi j’utilise plus trop les applis. Je préfère rencontrer quelqu’un un peu par hasard, ou dans un autre cadre en tout cas. Je vois personne en ce moment.”
On a vraiment le même humour. On discute toute la soirée. On compare les filles qui nous plaisent. On rigole beaucoup. On blague même de Netflix and chill à l’occasion. Quelle idée, moi mon truc c’est les filles, et lui son type c’est clairement pas moi. On danse un peu. On danse encore. Il est tard, c’est bientôt la fin de la soirée. Je suis fatiguée, je vais rentrer! Amusez-vous bien!
“Non, attends, je rentre avec toi !”
Il m’attrape par le bras, et nous voilà en train de marcher côte à côte sur le chemin du retour. C’est la première fois qu’on est juste tous les deux. On profite de ces petites minutes, seuls, au milieu de la nuit. Il fait froid. On rigole un peu, il passe son bras sous le mien. Le froid me fait rougir. Marc me fait sourire. Il pleut, j’ai les pieds mouillés. Mais j’aimerais bien que le trajet dure un peu plus longtemps, je passe vraiment un bon moment. On est déjà devant la porte de ma chambre. Nos regards se croisent, je me rends compte que j’aime bien ses yeux. Il y a ce truc, cette passion, qui brille au fond de ses pupilles… “Bon, bah… Bonne nuit…”
Sans prévenir, il me prend dans ses bras et me fait un gros câlin. On reste immobiles. Une minute, deux minutes… trois minutes… Je l'entends respirer. Je sens ses bras autour de moi, qui me serrent fort contre lui. Mon cœur s’accélère, mince. Mais qu’est-ce qu’il se passe. Je pensais que mon truc, c’était les filles, pas les mecs chauves… Il embrasse mes cheveux. Je panique, il faut que je me libère… même si je suis tellement bien, là, dans ses bras. “Euh… j’ai envie de faire pipi…” On s’éloigne. On se regarde. Je rougis. Heureusement, dans le noir, ça ne se voit pas. “Bon, bah… Bonne nuit.” J’ouvre la porte, je le regarde s’éloigner une dernière fois, sans vraiment comprendre ce qui vient d’arriver.
Je m’endors, super profondément. En même temps, j’avais beaucoup bu. Je rêve. Marc ?
Réveil en sursaut, il faut libérer les chambres. Je me lave les dents et je repasse la scène de la veille en boucle dans ma tête. Aurélien ? Faut que je te raconte un truc.
On rigole. C’était quoi, ça. Une amie nous demande ce qu’il se passe. Oh, rien… Juste Marc qui m’a fait un câlin hier. “Ah, he goes for the only lesbian on the team! Classic.” On se regarde. On rigole. C’était sûrement l’alcool. Faut que je m’habille, je vais faire du volley. On oublie ce qu’il s’est passé.
“Allez Anaïs!” Je rougis. Marc m’encourage. Ça me fait un petit truc. J’essaie de m’appliquer mais sa présence me met un peu la pression.
Le match se finit, je vais lui parler. “T’as bien dormi?” Je panique trop pour aligner plus de mots. La journée passe mais il évite mon regard. On se dit au revoir, il habite à une heure de Genève. On rentre chacun de notre côté.
Sur le trajet, je raconte l’histoire de la veille à Julia. J’ai trop envie de lui envoyer un message… “Merci pour le câlin hier soir, j’en avais vraiment besoin. C’était cool”
Quelques minutes s’écoulent, l’écran de mon téléphone s’allume. “You’re welcome!” J’ai un petit sourire au coin des lèvres, Julia me jette un coup d'œil. On rigole comme si je venais de faire une bêtise, je sens une petite excitation qui monte du fond de mon ventre. J’arrive à la maison, lessivée. Mine de rien, ça fatigue le volley et le ski. Et faire la fête jusqu’à 4h du matin, aussi, un peu. J’ai envie d’envoyer un message à Marc, mais j’ai un peu peur, mon cerveau est en effervescence. J’ai besoin d’analyser un peu la situation avant de m’emballer.
Déjà, les gars c’est pas mon truc. Ce que je ressens pour lui ça doit plutôt être une sorte d’amitié un peu bizarre. En fait, ça fait trois mois que je suis célibataire ; j’ai un grand vide dans ma vie après six ans en couple, donc j’essaie de boucher ce vide avec la première personne qui m’accorde de l’attention.
Oui, c’est ça. Je suis en manque d’attention. Ça pourrait être Marc comme ça pourrait être n’importe qui, en fait. Je prends mon téléphone, je tape doucement sur le clavier. Mon pouce survole le bouton envoyer. J’hésite. Allez. Au pire, je risque quoi?
“En vrai c'est un peu con mais hier soir j'aurais bien aimé rentrer dormir avec toi… platoniquement bien sûr”
Et voilà, c’est fait. Je lance mon téléphone sur mon lit et je pars faire à manger, j’ai trop peur d’attendre une réponse. Je commence même à regretter d’avoir envoyé ce message. De toute façon, on n’est pas amenés à se revoir de sitôt. Julia organise son anniversaire le week-end prochain, il est invité mais il ne viendra sûrement pas. Donc je vais juste me prendre un petit vent et on continuera nos vies chacun de notre côté, et puis on reverra ce petit truc dans nos yeux quand on se recroisera, peut-être. Ding.
“Haha tu me fais rire. On aurait pu bien sûr ! J'ai beaucoup apprécié les moments avec toi ce week-end.”
Hiiiii. Je fais un petit saut de joie, toute seule dans ma chambre. Je me sens super excitée, mon cœur aussi fait des petits sauts de joie. Mais il est tard, je suis crevée, faut que j’aille me coucher.
Le sommeil ne vient pas. Je repasse la soirée de la veille en boucle. J’ai bien envie de le revoir. Mais il habite loin, encore plus loin que mon travail qui est à une demi-heure de route de chez moi. Je jette un coup d’œil sur Google Maps. Il habite à une demi-heure de route de mon travail, c’est pas si loin, tout compte fait. Je lui renvoie un petit message, pour lui proposer de passer un jour après le travail… Mais il part en montagne cette semaine. Et moi je vais à l’anniversaire de Julia et Lola ce week-end. Une autre fois, alors.
Le lendemain matin, je traîne sur Instagram. Ah, tiens, Marc. “Follow”. On commence à discuter. On s’envoie des messages toute la journée. A chaque fois que mon téléphone sonne, je ne peux pas retenir un grand sourire. Je sens le bout de mes oreilles qui chauffent, j’ai l’impression d’être rouge écarlate dès que je vois son nom apparaître sur l’écran.
Mercredi. Ding. Je souris, je regarde mon téléphone.
“J'ai du mal à assimiler ce qu'il s'est passé ce week-end... vu que j'ai un peu picolé, j'ai du mal à tout remettre dans l'ordre et à analyser comment les choses se sont déroulées.... J'ai envie de te revoir, en fait je pense à ça tout le temps.”
Il faut qu’on se voie. Moi aussi j’y pense tout le temps. Il viendra à l’anniversaire de Julia, finalement. Mais on en parle, on ne le sent pas trop bien. On a un peu peur de se voir devant tout le monde sans avoir pu discuter avant. Il rentre de montagne vendredi après-midi, et moi je passe la journée à Annecy pour le travail. On pourrait se voir vendredi, juste tous les deux alors. Histoire de boire un verre et discuter de ce qui est en train de se passer.
J’en parle un peu à Julia. Comme c’est vraiment compliqué au travail, et que c’est un peu n’importe quoi dans ma vie, le fait d’avoir de l’attention, et qu’il soit si gentil avec moi, et qu’on s’entende bien, ça me touche trop. Mais je sais pas… S'il se passe quelque chose vendredi, c’est que c’est une erreur… Enfin, je sais pas trop… Moi, mon truc c’est les meufs… Mais il est vraiment super gentil…
On est jeudi soir, Gabriel arrive à la maison. Il reste dormir ici ces trois prochains jours. Il faudra que je lui dise que je ne mangerai pas à la maison demain soir. Je ne sais pas trop comment aborder le sujet. On discute, on se raconte nos dernières histoires. Mais je garde pour moi tout ce qui concerne Marc.
Ding. En parlant du loup… Un message de Marc. “J’ai envie de te voir…” Je retiens - difficilement - un grand sourire et je mets mon téléphone en silencieux. Je ne veux surtout pas blesser Gabriel, alors j’essaie de faire comme si de rien n’était. Et on va se coucher, encore dans le même lit, comme d’habitude. Il regarde le livre posé sur ma table de chevet. “Comment devenir lesbienne en dix étapes.” J’en suis à l’étape neuf. D’ailleurs, je ne l’ai jamais lue, cette dixième étape.
J’attends que Gabriel s’endorme et je reprends mon téléphone. Tiens, le message de Marc a disparu... Mince. J’aurais voulu lui dire que moi aussi, j’avais envie de le voir.
“Tu veux dormir chez moi demain soir?” Ah. Je me posais la question mais j’osais pas demander. “Si jamais, j’ai une chambre d’amis.” Bon, parfait. Il faudra juste que je trouve quoi dire à Gabriel.
L’écran s’allume encore. “J’ai la flemme d’attendre demain. Pour te voir.” Ça ne va pas m’aider à m’endormir, ce genre de message…
Je m’apprête à partir au travail. Il y a entraînement de volley ce soir, Gabriel me demande si je vais venir. Non, en fait comme je suis à Annecy aujourd’hui, j’irai boire un verre avec un ami après… Je pense que je rentrerai dormir à la maison, mais si jamais j’ai un peu trop bu, je resterai dormir chez lui. “Ah, c’est qui ce pote?” Oh, juste un pote du lycée… Je sens qu’il n’est pas trop convaincu, donc j’écourte la discussion. A plus tard!
La journée se fait longue. Heureusement, ma grosse charge de travail me permet d’être focalisée sur quelque chose et de ne pas trop paniquer en réfléchissant à ce qui va se passer dans quelques heures. Mais aujourd’hui, mon collègue a un truc à faire, et il part un peu plus tôt… Du coup, moi aussi.
Je monte dans ma voiture et je pars. Je suis stressée, j’ai chaud. Mes mains moites agrippent le volant. Il fait nuit, il pleut, et pourtant j’ai chaud. De quoi va-t-on parler? Qu’est-ce que ça va me faire de le voir? J’ai peur. J’arrive dans cinq minutes. “Ok, je sors t’intercepter.”
J’arrive devant une petite maison, et je le vois. Je sors de ma voiture. Euh… Salut. Il me prend dans ses bras. Je passe mes mains dans son dos. J’adore son dos. Je le sens qui, comme la dernière fois, me serre contre lui, fort. Ça me fait à nouveau ce petit quelque chose, au fond de mon ventre.
Il me tend son vélo. On va aller dans un bar, juste à côté. “Tu sais, c’est avec ce vélo que j’ai fait un voyage à vélo. Avec ma tente, mon duvet, et mes vêtements.” La pluie s’est arrêtée, il fait bon. On peut s’asseoir en terrasse pour boire cette petite bière.
Tu sais, Marc, moi j’ai peur de te blesser. Enfin, je suis complètement perdue dans ma vie, je suis trop dépassée au travail, je sais pas où j’en suis dans ma sexualité… Et j’ai déjà blessé des gens comme ça. Et j’ai peur qu’on s’attache et que je te blesse parce que je suis perdue.
“Anaïs… Je suis grand, je sais ce que je fais. Pense à toi, tu ne devrais pas avoir peur de me blesser. Quand on s’était vu sur un autre tournoi il y a quelques mois, j’avais senti… un petit truc. Je savais même pas que tu t’étais séparée de Gabriel, mais je trouvais que tu rigolais beaucoup à mes blagues, et… je sais pas. J’ai senti quelque chose, comme si je te plaisais.”
Je rigole. Si je rigolais beaucoup à tes blagues, c’est parce que tu es drôle. Non, à ce moment là, j’avais pas encore digéré ma rupture, et j’étais super triste. Tu me faisais rire, mais il n’y avait rien de plus.
“Ah, mince, j’ai mal lu la situation alors! Dans tous les cas, ce week-end c’était différent… Il y a quelque chose chez toi, je sais pas… Et c’est bizarre parce que t’es vraiment pas mon type. Enfin, ne le prends pas mal mais…”
Je rigole. Ouais, je comprends… Mais toi non plus t’es pas mon type du tout. Déjà, t’es un homme.
On continue de parler, de nos vies, de nos relations précédentes, de tout et de rien…
“Merde, attends!” Hein ? “Il y a un de mes collègues, faut que je me cache.” Il remonte le col de sa veste et ajuste sa casquette sur sa tête. Mais c’est pas grave s’ils te voient, non? Tu peux juste dire que je suis une pote, enfin, on est juste en train de boire un verre. “Ouais mais non, enfin après ils vont parler, et je déteste les ragots…” Euh, ouais ok, pourquoi pas. Son collègue va s’installer à l’intérieur. “Je suis désolé, mais tu peux aller ramener les verres et on y va? Je veux pas qu’il me voie.” Oui, pas de soucis. Je me lève, et vais rendre nos verres vides au bar.
Quand je ressors, il est déjà une rue plus loin. “Tu veux aller dans un autre bar?” Oui, pourquoi pas. On remonte sur nos vélos. On pédale côte à côte, je lui dis; Tu sais, c’est un peu bête mais moi quand je pédale j’aime trop me mettre sur les rapports les plus difficiles, et comme ça je force comme une débile mais je tourne pas mes jambes trop vite!
Ça le fait rire. “Je comprends, moi c’est exactement pareil!” On attache nos vélos et on fait les quelques pas jusqu’au second bar. Il attrape ma main et la serre, fort.
On s'assoit face à face avec notre verre. Nos pieds s’effleurent, nos doigts s’entrelacent. Nos yeux se croisent et je détourne le regard, gênée. On parle de nos travails respectifs, je lui explique avec passion les machines que je construis. Son pouce caresse ma main, je sens mes joues qui se colorent. Mes pensées s’embrument, sa voix résonne dans le brouillard. Je replonge mes yeux dans les siens. Je ressens quelque chose, de profond, qui résonne en moi.
Je crois que tout le monde a une “énergie”, une vibe, différente. On ne va pas s’entendre avec des gens qui ont une vibe trop loin de la nôtre, ou alors on va trouver les moments avec eux épuisants. Mais quand on est avec quelqu’un qui a une vibe proche de nous, alors on peut entrer en harmonie avec eux beaucoup plus facilement.
Et avec Marc, cette harmonie était presque parfaite. Je ressentais tellement de choses quand on était assis, l’un en face de l’autre, à se regarder. Une sorte de courant indescriptible qui transcende notre dimension. Un sentiment que je n’avais pas connu jusqu’à maintenant.
Il se fait tard, on rentre manger chez lui. On s’apprête à récupérer nos vélos, face à face. Il me prend à nouveau dans ses bras, encore une fois exactement comme les fois précédentes. Ressentir son souffle chaud au creux de mon cou. Ses doigts qui se serrent sur ma veste. Ce sentiment de paix intérieure qui m’envahit.
On mange, on discute. “Tu veux regarder un film? Tu veux qu’on le regarde dans ma chambre? Enfin, sauf si tu préfères dormir dans la chambre d’ami?” Mais voyons, Marc, on est tous les deux des adultes. On peut dormir dans le même lit comme des potes.
On est allongés côte à côte. On discute, on se regarde. Il passe sa main sur ma joue… “Je peux t’embrasser?” … Non, Marc. On peut pas. Demain soir, on fait une soirée avec Gabriel, on va voir tout le monde… Ce serait trop bizarre. “Ok, pas de soucis”
On parle encore un peu, sa main toujours sur ma joue. Nos visages se rapprochent petit à petit, je peux sentir son souffle. Je regarde sa bouche, et je ressens cette attraction inexplicable… “Je…” Je l’embrasse. Les émotions se bousculent. On s’embrasse une deuxième, une troisième fois.
Je reprends mes esprits, assise sur les toilettes. Je ne pensais pas pouvoir être attirée par un homme comme ça. Mais d’un coup, je reviens à la réalité. Et je repense à Gabriel qui dort, dans mon lit. Je me sens mal. Marc, je crois que je regrette.. Enfin, c’était génial mais… Je sais pas comment je vais faire demain… En plus, je sais pas mentir, genre vraiment… je suis incapable de mentir.
“Mais non, t’inquiètes pas! Tu nies tout, il s’est rien passé hier. Il faut que personne ne le sache.”
Ouais, mais je vais quand même devoir en parler à Julia. “Non, s’il te plaît, même Julia… Après les gens vont parler, et…” Oui, je sais. Et il ne faut pas que les gens le sachent. En plus c’est sûrement rien. Ok, je vais essayer de faire comme s’il ne s’était rien passé…
Je m’endors dans ses bras. A chaque fois que j’ouvre l'œil, je sens son étreinte. C’est la meilleure nuit de ma vie. Je me sens tellement heureuse.
Le lendemain, on se réveille, toujours enlacés. On s’embrasse à nouveau, une fois, puis deux, puis… Non, Marc. Pas ce matin. Je dois aller faire une rando avec Gabriel, Julia et nos potes. Déjà que ça va être dur de rien dire pour UNE fois, imagine avec deux… “Ouais, t’as raison…” Ok, faut que j’y aille. Je m’habille rapidement et je monte dans ma voiture.
Quand j’ouvre la porte de chez moi, Gabriel m’attend. “T’as dormi chez ton pote du coup?” Ouais, on avait un peu bu alors j’ai préféré dormir chez lui… Mais c’était cool. “Ouais, ok”. Il arrête de parler. Je le connais bien ce Gabriel muet, c’est qu’il est triste ou énervé. Je ne lui demande pas si ça va, parce que je sais qu’il n’aime pas. On rejoint nos amis, et j’essaie de l’éviter pour la rando. Julia arrive à côté de moi. “Alooooors ?” Je rigole. Oh, on a bu des bières et on a bien discuté. J’ai dormi chez lui. “Et… ? T’as consommé?” Mais nooooon. Quelle idée.
D’ailleurs, je le revois ce soir. Je reçois un message. “Nie tout en bloc. J’ai tout raconté à Thomas”. Ah. Thomas, c'est son meilleur pote, dans mon équipe de volley.
Sur le chemin du retour, je suis seule avec Gabriel. Il est encore de plus mauvaise humeur qu’avant de partir. Je lui dis que j’ai besoin de me découvrir, que je sais pas trop où j’en suis.
“Mais Anaïs, moi, je veux juste que tu trouves une copine…”
Aïe. Tu sais, je sais pas trop si c’est ce dont j’ai besoin en ce moment. Si je peux faire quelque chose pour t’aider à avancer c’est avec plaisir, mais je ne vais pas me mettre en couple pour toi…
Il s’enferme dans ma chambre. On ne se dit pas un mot de l'après-midi, il est bientôt l’heure de partir chez Thomas pour fêter l’anniversaire de Julia.
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